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Lettre à mon candidat préféré !

par El-Houari Dilmi

Cher candidat préféré : parce que mon âge ne veut pas vieillir, moi, Chalachou, j'ai eu la déveine de revenir (re) naître dans mon pays le même jour où fut assassiné mon cousin Khelifa, victime de la répression du chahut de gamin d'octobre 88. Heureux de voir mon pays goûter au Soleil trompeur de la démocratie, j'appris que le peuple (enfin !) au pouvoir était la meilleure chose qui puisse nous arriver, après nous être défaits du joug colonial. Bercé par le vent de liberté qui soufflait sur mon pays, je vis rentrer au pays un homme providentiel, très vite terrassé par une balle dans le dos. Je ne me souviens de rien d'autre que du nom de Si Tayeb El Watani. Mon défunt président voulut dans son rêve assassiné une société clean où le berger et le khamess n'ont pas droit de cité, me rappelle toujours mon alter ego, au nom imprononçable. A la mort traumatisante de Si Tayeb, je vis arriver l'ère maudite de dormez tous pour mieux vous reposer !

Ravi par tant de faste et de richesse offerts à un peuple mis au repos éternel, j'assistai, effaré, moi le bien-nommé Chalachou, à la banqueroute de mon pays, obligé de réclamer des sous pour manger à nos ennemis d'hier, juste pour ne pas voir le peuple crever de faim et de désespoir. J'avais presque vingt ans. Ensuite, le pays voulut s'essayer sans prendre goût à cette «mode» dangereuse que d'aucuns appellent la démocratie. Entrés dans un tunnel sans bout, tout le monde dégaina l'arme qu'il pouvait et le pays plongea dans une longue nuit douloureuse. J'avais 45 ans quand un siècle flambant neuf pointa le bout de son nez. Je vis le pays retrouver un peu de sa superbe perdue et de ses flouzes dilapidés. Arrivèrent, ensuite, les projets herculéens qui propulsèrent le pays au seuil des pays émergents au-dessus du lot des peuples, à la traîne du développement. Je me mis à rêver debout de voir un homme de la génération post-juillet 62 accéder au gouvernail du pays, la première voiture algéro-algérienne sortir des usines d'El Bahia, d'un Prix Nobel pour Assia Djebar, du retour à la vie de l'Emir Aek, d'El-Anka, de Malek Benabi, de Rachid Mimouni, de Aek Alloula, de Hassan «Terro»?J'avais 50 ans déjà. Au milieu des années deux mille, je me rendis compte que mon pays pouvait encore faire mieux. Comme un élève qui progresse à l'école avec une mention «passable» apposée sur son bulletin. Avec des caisses pleines aux as, le SMIG monte à l'équivalent mensuel de dix repas et un dîner pour une famille de quatre personnes. Jusqu'au jour où surgit comme un feu follet le but de Madjid le « Magic » pour faire chavirer de bonheur cru un peuple longtemps sevré de joie et de raison de vivre? Aujourd'hui, j'ai l'âge pour m'apprêter à quitter ce monde, au moment où un seul va gagner, et les autres perdre? leur temps. Je rêve, surtout, de te voir toi mon candidat préféré, à défaut d'épouser le vent, accéder au Palais d'El-Mouradia pour enfin fermer les yeux à jamais et emporter dans ma tombe un rêve que je crus irréalisable ! Bien à toi, mon cher candidat, te souhaitant de survivre à l'échec, en attendant? d'autres cuisantes défaites !!».