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La seconde arnaque : le FIS ou les chouyoukh gonflables

par Kamel Daoud

Le FIS et les siens. Sont-ils de retour ou pas ? Fausse question. C'est la seconde arnaque du mois pour ralentir les réformes. Explication : au lieu de parler de nouveaux partis, de lois sur les partis ou de représentativité des jeunes algériens, les trois quarts de ce peuple, on ressort un vieux diable, le Front islamique du Salut. Bien sûr, ceux qui ont vingt ans aujourd'hui en avaient zéro à l'époque de Ali Benhadj et de son Madani. L'islamisme est encore vif dans le pays mais il n'est pas celui de ces deux chouyoukh assimilés ou domestiqués ou désamorcés. Alors pourquoi le Pouvoir parle du FIS aujourd?hui ?

Pour quelques raisons. La première est qu'il veut plomber le débat sur le vrai multipartisme. En ramenant l'équation à celle de 92, il convoque un mauvais souvenir mais aussi un match dont il a été gagnant. Pouvoir contre Fis avec le Pouvoir qui tire et qui marque. L'autre raison est que cela sert à faire passer le message à l'Etranger : vous insistez pour la démocratie ? Ok, elle est aussi valable pour ces islamistes qui mangent la chair humaine, surtout blanche avec des yeux bleus. L'autre raison ? On verrouille la demande de changement par le haut. Explication : alors que la coordination des chômeurs algériens se fait tabasser en bas, on parle de faire revenir le fis en haut. Un parti pour les jeunes, à l'époque du printemps arabe mené par des jeunes, n'est pas d'actualité donc. La priorité est donnée aux morts-vivants. En Algérie, le débat se fait entre Chouyoukh et vieillards. Pas entre pouvoir et jeunes.

Cela explique un peu pourquoi quand le peuple demande des réformes, de la vraie démocratie, du changement, on lui ressort la vieille djellaba des barbus. Qui demande en effet le retour du FIS ? Pas la majorité du peuple, mais le Pouvoir. Pourquoi le Pouvoir veut le retour du FIS ou en discute ? Parce qu'il veut se faire peur, faire peur aux siens ou aux occidentaux et parce qu'il juge que c'est son opposition à lui, fait «hand made», il en connaît les noms, les listes, les envies, les faiblesses et l'illusion et l'utilité. Il veut discuter avec ses propres poupées gonflables, pas avec nous. Il veut monter une scène où tout mouvement vers l'ouverture, signifie une renégociation du statut du FIS alors que ce n'est pas vrai. D'ailleurs, le Pouvoir ne croit pas qu'il existe une autre opposition sauf la seule qui lui ressemble : celle de ces islamistes démodés et corrompus par l'attente ou l'entrisme. Vous voulez qu'on reprenne à zéro ? D'accord : on reprend à 92. Le pouvoir joue sur un traumatisme et fait glisser la demande de démocratie vers le surréalisme d'une résurrection factice. Il parle avec un complice et négocie avec un cadavre. Il n'admet pas que nous existons, que nous ayons envie d'autre chose et que nous avons un poids et des désirs. Lui, c'est soit lui, soit son FIS.