Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La vache qui rit ou la vache qui fait rire ?

par Kamel Daoud

De « l'insécurité juridique ». C'est le dernier concept explicatif de l'attitude des investisseurs étrangers en Algérie. Dans un pays où on a longuement parlé de « décideurs » pour tout expliquer, la première découverte est que personne ne décide ou « on ne rencontre jamais la personne qui décide vraiment ! ». Bouteflika l'aurait lui-même conclu : on n'est ni un pays à économie socialiste, ni un pays à économie libérale. On est. Et on mange.

Et entre les deux, on distribue et on prend. Les investisseurs étrangers ont donc le beau rôle de la bonne volonté qui se heurte à l'absence de volonté. C'est vrai, mais pas totalement.

Beaucoup de ces investisseurs qui ont meublé le discours de relance économique en mode depuis deux décennies, sont venus s'indexer à la rente nationale et pas produire de la richesse équitable. On le sait et c'est l'Etat qui l'a appris en dernier en accusant les cimentiers et les limonadiers.

Pour faire pression sur les indigènes, rien de mieux que de développer ce genre de procès d'intention où, faute d'avoir le comptoir en compte, on l'accuse de vouloir une chose et son contraire. L'Algérie est coupable « d'insécurité juridique » au moment exacte où l'Algérie demande que la viande hachée soit hachée ici et pas ailleurs.

Ceci dit, les « Etrangers » n'ont pas tort. Le pays a développé, pour cause de non-sens politique, une position économique étonnante : celle du statu quo. On veut des entreprises étrangères mais sur le mode de l'allégeance locale. On veut des entrepreneurs algériens mais pas hors du circuit du contrôle de l'Etat. L'idée de base est qu'un opérateur local qui va au bout de la logique du libéralisme va constituer, un jour ou l'autre, un lobby qui fera de la politique au lieu que ce soit elle qui le fait. Un bon patron algérien finira, un jour ou l'autre, par se poser la question : faut-il employer et payer un Etat qui ne fait rien et qui est incompétent ? Le mécanisme est à la base des démocraties occidentales et ceci on n'en veut pas encore chez nous.

Un bon investisseur étranger finira à son tour par poser la bonne question : faut-il investir dans un pays où ses propres patrons sont traités comme employés de l'Etat, mais « au noir » ? Un bon faux investisseur venu pour vendre sa poudre noire aux indiens se posera enfin de compte la dernière bonne question : ne faut-il pas mieux vendre de la poudre aux yeux au lieu de vendre de la vraie poudre noire ?

A la fin, cela explique le reste : ce pourquoi on parle « d'insécurité juridique », ce pourquoi c'est vrai et ce pourquoi c'est en partie faux. Selon un proverbe capitaliste, « un sac vide ne tient pas debout ». En annexe : « un sac debout reste quand même un sac ». En N.B., un autre faux proverbe: « l'étiquette ne doit pas être plus grosse que le sac ». C'est notre drame.