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Une convention impossible ?

par Abdelkrim Zerzouri

L'élaboration d'une Convention internationale inclusive sur la lutte contre l'utilisation des Technologies de l'information et de la communication à des fins criminelles traîne en longueur, alors que l'ONU, qui a lancé ce projet en 2019, cherche à plier les débats au plus tard dans l'année 2024.

On se demanderait même si jamais une telle convention puisse voir le jour de sitôt eu égard aux obstacles qui semblent infranchissables sur le terrain.

Lors d'un entretien téléphonique, mardi, entre le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, M. Ahmed Attaf, et la directrice exécutive de l'Office des Nations unies, contre la drogue et le crime (ONUDC) à Vienne, Mme Ghada Waly, les deux parties ont abordé la question sur les développements concernant le processus d'élaboration d'une Convention internationale inclusive sur la lutte contre l'utilisation des Technologies de l'information et de la communication à des fins criminelles, ainsi que les perspectives d'achever ce processus à la mi-année. Peut-on vraiment relever ce défi de ficeler cette convention au courant de l'année 2024 alors que les Etats ne sont pas tombés sur un accord minimal quant à ses articles ? Notons que de profondes divisions imprègnent le parcours de cette convention, lancée il y a plus de trois ans et qui est restée suspendue aux décalages des visions des pays, face à ce traité, qui vise à «inciter les États à aligner leur législation nationale sur les normes internationales, garantissant la cohérence, simplifiant les enquêtes transfrontalières et renforçant la sécurité juridique». Cette convention a fait l'objet de controverses dès le lancement de la résolution afférente, en 2019, à l'initiative de la Russie, et qui a été coparrainée par plusieurs pays, à l'image du Belarus, du Cambodge, de la Chine, de l'Iran, du Myanmar, du Nicaragua, de la Syrie et du Venezuela. On n'a pas besoin d'autres explications quand on voit les pays derrière cette proposition pour déduire en toute logique qu'un autre bloc de pays, dont l'Union européenne (UE), les États-Unis et de nombreux autres pays, ainsi que des organisations de défense des droits humains et des droits numériques, ne peut pas adhérer à la démarche.

D'ailleurs, ces derniers pays ont exhorté l'Assemblée générale des Nations unies à la rejeter, sans réussir, car la résolution a été adoptée. Ainsi, ces pays se sont engagés dans la forme, dans le processus d'élaboration de la convention, en faisant tout pour faire traîner en longueur les choses, craignant «un traité dépourvu de garanties en matière de droits humains et susceptible d'être utilisé comme outil de répression».

Alors que les pays qui ont soutenu la proposition ont déjà mis à jour leur législation sur la cybercriminalité, notamment sur le plan des insultes aux autorités ou aux personnes, de diffusion de «fake news» et de discours de haine. Les pays européens ont également adopté une législation dans ce cadre de la lutte contre la cybercriminalité, sous le titre de la «Convention de Budapest», et ils souhaitent que l'élaboration en cours de la Convention onusienne ne s'en écarte pas. Quelles sont les chances de parvenir à un accord entre les propositions des uns et des autres ?