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Trop peu et trop tard

par Kharroubi Habib

Ce que Bouteflika a promis aux Algériens de faire s'ils le réélisent pour un cinquième mandat n'a pas eu l'effet apaisant auquel lui et son entourage s'attendaient probablement. Les manifestations nocturnes spontanées et coléreuses qui se sont produites dans plusieurs villes du pays à l'annonce du dépôt de sa candidature et de la feuille de route qu'il entend exécuter ont été le signe avant-coureur que la réaction populaire va se manifester ces jours-ci sous la forme d'un rejet encore plus massivement exprimé que dans les précédentes manifestations.

La feuille de route que le président candidat à rendu publique aurait pu avoir l'aval populaire s'il l'avait proposée en tant que solution à la crise politique quand il s'était porté candidat à son quatrième mandat et quand il savait que ce que revendiquaient les Algériens était déjà son départ et le changement de régime.

Elle vient de ce fait trop tard tant son calamiteux quatrième mandat et l'arrogance criminelle des tenants du régime ont radicalisé les revendications des partisans du changement. Bouteflika a beau prétendre avoir compris les attentes populaires et promettre que sa feuille de route y répond, car elle mène à « une transmission générationnelle dans une algérien réconciliée avec elle-même » et à la naissance d'une nouvelle république tel que demandé par les citoyens. C'est pourquoi l'on peut avancer que la protesta populaire va aller en enflant.

Sciemment ou mal conseillé par l'entourage qui a exercé le pouvoir en son nom depuis qu'il a été atteint par la maladie, Bouteflika a ruiné la confiance que lui ont accordée les Algériens en reniant les plus essentielles des promesses qu'il leur a faites en briguant à quatre reprises leur suffrages.

Il est surréaliste de sa part d'avoir pensé qu'il peut re-capter cette confiance et que, ayant brisé le « mur de la peur » et des inhibitions causes de leur apparente et longue « patience » devant les dérives du régime, les Algériens vont cesser l'insurrection citoyenne par laquelle ils ont décidé de mettre fin à son règne et au régime honni. Il ont perdu tout espoir en une solution à la crise nationale qui viendrait de l'intérieur du pouvoir. Celle que Bouteflika voudrait leur faire partager n'est à leurs yeux qu'un leurre destiné à procurer à ce régime le temps qui lui permettrait de ressouder ses rangs pour aller à une succession qui ferait consensus et garantirait sa pérennité.

La maturité dont les Algériens font preuve en ce moment crucial de leur histoire nationale n'est pas décelable uniquement dans leur comportement en tant que manifestants contestataires, mais aussi et surtout par leur anticipation des pièges auxquels le pouvoir a recours pour dévoyer leur mouvement protestataire et les faire renoncer au véritable changement dont il est l'expression.