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Ce qu'illustre la passe d'armes entre Macron et Trump

par Kharroubi Habib

Le président français et son homologue américain se sont livrés à une passe d'armes sur la question de la création d'une armée européenne en faveur de laquelle le premier cité a plaidé en l'estimant indispensable pour que l'ensemble européen puisse se défendre par lui-même des menaces étrangères auxquelles il pourrait se trouver confronté. Donald Trump qui ne cache pas qu'il considère que l'Amérique a un droit de suzeraineté sur l'Europe a mal accueilli la proposition de Macron qu'il a estimée « insultante » pour son pays.

Il est vrai que Macron s'est avancé à prétendre que l'armée européenne pour laquelle il plaide sera appelée à défendre l'ensemble européen contre « la Russie, la Chine et même l'Amérique » donnant ainsi à comprendre qu'il a des incertitudes sur l'alliance atlantiste qui a jusqu'à l'arrivée de Donald Trump constitué l'alternative à une défense européenne autonome. Il est vrai que celui-ci sitôt arrivé à la Maison Blanche s'est montré très hostile à toute remise en cause du primat américain dans la conduite de cette alliance en faisant valoir que celui-ci est naturel du moment que ce sont les Etats-Unis qui en supportent l'essentiel du coût financier, de l'apport humain et matériel et de la logistique.

Bien que Donald Trump presse les partenaires de son pays dans l'OTAN à contribuer plus au budget de celle-ci, il ne peut pour autant voir d'un bon œil la constitution d'une armée européenne qui par son existence posera question sur le devenir de l'alliance atlantiste qui permet aux Etats-Unis d'avoir un droit de regard sur les positionnements internationaux de l'ensemble européen.

En retoquant sèchement la proposition de Macron, le président américain a clairement fait savoir aux Etats européens qui pourraient être tentés à vouloir lui donner corps que les Etats-Unis l'estiment incompatible avec l'alliance atlantique dont ils sont le moteur et qui est jusque-là le bouclier protecteur de leur continent. Donald Trump joue ainsi sur les divergences profondes qu'il sait exister entre les Etats européens sur cette question. Il est vrai en effet que ces derniers n'ont pas une vision commune sur quoi doit reposer la défense européenne. Si la France et quelques autres l'envisagent comme devant être autonomisée du strict cadre de l'OTAN tout en restant couplée à celle-ci, un plus grand nombre d'autres et en particulier ceux qui ont subi la férule soviétique sont irrévocablement hostiles à toute distentation de l'alliance atlantique et à la contestation du rôle primordial qu'y jouent les Etats-Unis.

Macron n'est pas le premier responsable européen à prôner la création d'une armée européenne et à estimer que l'Europe n'a aucune chance de peser sur l'échiquier international tant que sa défense sera tributaire d'une puissance tierce, fût-elle son allié historique l'Amérique.

D'autres avant lui en ont été les chantres dont les appels sont restés sans lendemain. Tout comme eux son appel restera vœu pieux tant que le «syndrome russe» continuera à dicter à la majorité des pays européens leur stratégie en matière de défense. Ces pays pensent ainsi se prémunir d'une tutelle qui leur a imposé le concept de «souveraineté limitée » mais en acceptant une autre qui restreint tout autant leur souveraineté sans le faire valoir « brutalement».