Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Abdallah II en mauvaise posture

par Kharroubi Habib

L'accord auquel ont finalement consenti les groupes armés rebelles dénombrés dans la province de Deraa, dans le sud de la Syrie, entérine le retour de l'autorité gouvernementale légale dans cette partie du pays assurément hautement stratégique en raison qu'elle fait frontière avec la Jordanie d'où parvenait à ces groupes le gros de l'armement et des autres aides que leur envoyaient leurs soutiens étrangers.

Du côté syrien, tous les points névralgiques de la frontière avec le royaume hachémite sont désormais sous contrôle de l'armée régulière et soumis à l'autorité administrative de Damas. Il a été fait état par les observateurs que cette reprise de contrôle de la province de Deraa a provoqué le «soulagement» du côté jordanien tant parmi les officiels que chez les citoyens du pays habitant près de la frontière. Il est vrai qu'à Amman l'on n'est plus à attendre la chute du régime de Bachar El Assad et à tirer des plans sur l'arrivée au pouvoir à Damas de la rébellion à laquelle le royaume a accordé un soutien multiforme.

Le roi Abdallah II et son gouvernement ont désengagé le royaume à l'égard de cette rébellion pour deux raisons. La première étant qu'ils ont été confrontés au fait accompli ayant résulté de la décision de Donald Trump de ne pas faire intervenir les forces américaines et de la coalition dirigée par Washington pour stopper l'offensive de l'armée syrienne dans le sud du pays. La seconde s'est imposée à eux au regard de la très mauvaise passe économique, financière et sociale dans laquelle est la Jordanie. Ce qui leur a fait convenir que le royaume n'a plus les moyens d'une politique agressive et non conciliante à l'endroit de Bachar El Assad et de son régime.

Le roi de Jordanie et son gouvernement ne conviennent pas encore qu'ils s'apprêtent à changer de fusil d'épaule sur l'affaire syrienne. Il est clair cependant qu'ils attendent que la fin des combats en Syrie à la frontière de leur pays et le retour dans cette région de l'autorité gouvernementale va mettre un terme au flux de réfugiés syriens et même encourager à rentrer chez eux ceux qui s'entassent dans des camps en Jordanie mais surtout que s'ouvre à nouveau le marché syrien à l'entreprenariat et au négoce jordaniens, ce qui apporterait une indéniable bouffée d'oxygène à l'économie du royaume pratiquement au bord de l'asphyxie.

Abdallah II est d'autant dans l'obligation d'assouplir la position de son pays à l'égard de Bachar El Assad et de son régime qu'il a conscience que la Jordanie risque de faire les frais de l'échec inéluctable du « deal du siècle » que Donald Trump a en tête d'imposer au conflit israélo-palestinien et que dans cette perspective il ne lui faut compter sur la solidarité de la monarchie saoudite et des émirats du Golfe et certainement encore moins sur celle de l'Etat sioniste qui le presse de ne pas entamer de rapprochement avec la Syrie en voie de parachever son unité nationale et de redevenir un acteur avec lequel il faudra compter pour les plans visant à remodeler la configuration géopolitique du Proche-Orient.