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«La chèvre est une chèvre même si elle vole»

par Kharroubi Habib

Malgré que le régime syrien se soit délesté sous contrôle international de son arsenal d'armes chimiques, il est récurremment accusé d'en faire usage contre sa population civile. Sur cette base, les Occidentaux mènent campagne médiatique et diplomatique pour qu'il soit condamné par la communauté internationale et que le Conseil de sécurité adopte une résolution donnant le feu vert à des représailles militaires à son encontre. Parmi les tenants de la culpabilité en la matière du régime de Damas, la France s'est distinguée par l'acharnement qu'elle met à réclamer une intervention internationale contre lui. Pour en arracher la décision, ses autorités civiles et militaires ont été jusqu'à affirmer qu'elles possédaient les preuves irrécusables de l'implication des forces du régime dans les attaques chimiques en question.

Contre toute attente, c'est pourtant son président Emmanuel Macron qui vient de concéder qu'aucune preuve d'utilisation par les forces du régime contre les civils n'a été établie. L'aveu est de taille car il réduit à néant les fausses vraies certitudes sur lesquelles la diplomatie française et celle des autres puissances occidentales se sont appuyées pour tenter d'obtenir du Conseil de sécurité sa condamnation et sa punition. Il confirme également que la France et ses alliés occidentaux ont cyniquement mis en accusation le régime syrien en prenant pour avérées les informations que leur ont fournies des sources syriennes dont la crédibilité et l'impartialité sont pourtant fortement sujettes à caution car elles sont reconnues pour être anti-régime et en charge de sa diabolisation par la diffusion de fausses informations le desservant et de mises en scène accréditant l'usage par ses forces armées de produits chimiques contre la population civile.

Après la déclaration d'Emmanuel Macron la question se pose de savoir si la France va continuer dans son activisme diplomatique anti-régime de Damas à chaque fois que ces sources syriennes feront battage sur de prétendues attaques chimiques qu'elles attribueront à ses forces armées. La question se posant l'on est en droit de s'interroger pourquoi un représentant de l'une de ces sources, en l'occurrence la très controversée organisation des « casques blancs » syrienne, a été reçu à l'Elysée par des conseillers présidentiels quasi dans le temps où Macron concédait publiquement ne pas avoir de « manière établie par les services français la preuve que les armes chimiques proscrites par les traités ont été utilisées contre les civils ». L'interrogation s'impose d'autant que la Russie vient de mettre en garde qu'il ne sera pas surprenant que sous peu il sera fait état d'une attaque à l'arme chimique contre la ville d'Idleb que les sources syriennes controversées mettront sur le compte du régime.

Est-ce que leur intention ayant été éventée, l'Elysée s'est employé à les dissuader de recourir à ce scénario qui ne trompe plus personne ? Ou leur a-t-il été demandé de peaufiner la mise en scène qui donnerait à voir une situation humaine tellement dramatique qu'elle donnerait par l'émotion qu'elle soulèverait internationalement prétexte au président français à faire usage qu'il a revendiqué pour son pays d'intervenir militairement en Syrie même unilatéralement ?

Macron a peut-être mis un petit bémol à la rhétorique française anti-régime syrien qui a été celle de son prédécesseur mais en réalité il poursuit le même but que celui-ci qui est faire tomber à tout prix Bachar El Assad et son régime. Pour l'atteindre, il a besoin que des sources syriennes lui procurent l'alibi dont il a besoin. La réception à l'Elysée du représentant des « casques blancs » a dû probablement donner lieu à la configuration du stratagème qui va se mettre en œuvre au prétexte d'une énième attaque à l'arme chimique.