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Jeux des uns et des autres, l'essentiel oublié

par Yazid Alilat

Le dernier remaniement ministériel a fait bouger, comme d'habitude, l'opposition. Chez Benflis comme chez Mohcine Belabbas ou Sofiane Djilali, ce changement de gouvernement est considéré non seulement comme étant anecdotique, mais surtout qu'il n'apporte rien de nouveau. Mohcine Belabbas, du RCD, estime même qu'il s'agit de ?'vieilles recettes de recyclage de décideurs''. Le président de Talaiou El Houriyet et coordinateur des Forces du changement, Ali Benflis, deux fois candidat malheureux à la présidentielle, doute que le remaniement soit l'œuvre du président Bouteflika : ''Tous ceux qui savent que le sommet du pouvoir est vacant se demandent qui est à l'origine de ce remaniement ? Qui l'a décidé ? Quel est le but du changement dans un gouvernement qui ne gouverne pas ?''

En réalité, le remaniement ministériel de jeudi dernier serait une sorte de changement d'une équipe dont certains éléments paraissaient essoufflés ou ayant tout simplement montré leurs limites. Et donc il y a quelque part un chef d'orchestre qui fait le jeu, distribue les cartes et contrôle les mouvements des uns et des autres. Sauf que, fondamentalement, les changements ministériels ou de gouvernement ne se font plus sur la base des rapports de force entre partis de la majorité, mais sont décidés unilatéralement et selon des critères qui n'ont rien à voir avec le poids politique de tel ou tel parti ou sa représentation parlementaire. Sinon comment expliquer que des ministres n'ayant aucune couleur politique soient nommés, maintenus et renommés, alors que les formations politiques qui ont terminé sur le podium lors des dernières législatives n'ont que très peu de représentants au gouvernement ? Pis, observent, sans réagir ?

Si, au moins, comme avant, il y avait les traditionnelles tractations, marchandages et autres négociations pour la nomination d'un chef de gouvernement qui, lui, va de son côté remplir son contrat en formant un cabinet composé des candidats de son parti et des partis de sa coalition. Rien de tout cela depuis les dernières législatives, ce qui renforce dès lors la rancune de l'opposition et constitue le terreau de son action politique. Ali Benflis, dans son rôle d'opposant, avait dénoncé samedi à Oran ?'un pouvoir qui veut demeurer à vie (...), qui ne recule devant rien, y compris les dérives les plus extrêmes comme celle d'une succession dynastique''.

C'est en fait ce malaise politique qui est dénoncé par les principaux partis d'opposition qui reprochent au pouvoir de ?'faire cavalier seul'' et de ne pas ouvrir les portes du dialogue pour amorcer une véritable alternance au pouvoir. Avec en toile de fond une démocratie toujours à construire et, dans la foulée, les réformes économique et politique promises sont mises au placard. Car à partir du moment où les ministres sont nommés et dégommés sans raison valable, même avec ne serait-ce qu'un soupçon de légitimation, des ministres ?'sans carte de visite'' ou ?'de cahier des charges'', il est dès lors patent de croire que toutes les critiques de l'opposition y trouvent là un superbe terreau fertile pour tous les scénarios catastrophes. Ce qui est, à l'inverse, symptomatique de la paranoïa structurelle de l'opposition qui cristallise son action non pas sur les propositions de sortie de crise, pour imposer un nouveau programme politique, économique, social et même culturel d'alternance à opposer à celui du pouvoir, mais sur de stériles attaques médiatiques sans lendemain.

C'est comme si, entre le pouvoir et l'opposition, il y a eu quelque part un deal, une sorte de jeu où chacun joue son rôle ; ceux qui gouvernent, toujours, et ceux qui, toujours, restent dans l'opposition. Sans grandes perspectives d'alternance au pouvoir, d'amélioration de la vie des Algériens, otages d'une bipolarité débridée et ruineuse pour l'avenir du pays. Entre-temps, le fossé entre l'Algérie et les pays émergents, autant dans les TIC, le confort social, la connaissance, la démocratie et les droits de l'homme, se creuse davantage.