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Qu'est-ce la doctrine Monroe si ce n'est de l'impérialisme ?

par Kharroubi Habib

En déclarant la semaine dernière que le régime vénézuélien représente une menace pour la sécurité et les intérêts des Etats-Unis, le président Barack Obama a de fait déclenché des hostilités ouvertes contre ce pays qui vont prendre la forme de sanctions économiques et financières, d'opérations secrètes de déstabilisation voire même d'une intervention armée américaine directe.

Au-delà des prétexte moraux de défense de la liberté et des droits de l'homme qu'a avancés Obama pour justifier sa déclaration de guerre au régime vénézuélien, il faut voir dans son geste l'intention d'en finir avec la politique suivie par le Venezuela depuis l'arrivée au pouvoir de Hugo Chavez et continuée par son successeur Maduro. Laquelle consiste à ne plus accepter que les rapports entre les Etats-Unis et l'Amérique latine soient toujours régis par la «doctrine Monroe», cynique formulation d'un impérialisme ayant établi que cette dernière partie du continent américain est «l'arrière-cour» des Etats-Unis et qu'à ce titre ceux-ci y interviendront, y compris militairement, quand ils estimeront que l'un des pays faisant partie d'elle se dote d'un régime «hostile» à leurs intérêts ou s'ouvre à une influence étrangère à la leur.

Manifestée par le président Obama, la persistante arrogance impérialiste des Etats-Unis ne soulève pas de critiques en Europe où l'on fustige et dénonce la «prétention» de Poutine à considérer l'Ukraine comme faisant partie de la zone d'influence russe, ce qui donne à son pays un droit de regard sur ses orientations politiques et ses alliances. L'Europe si prompte à voir dans la politique ukrainienne du Kremlin la manifestation de l'impérialisme russe, survivance des ères tsariste et soviétique, se couche consentante devant celle qu'Obama a décidé de suivre à l'égard du Venezuela.

Son silence vaut acquiescement aux intentions américaines pour le Venezuela qui sont de déstabiliser son gouvernement légal et légitime et in fine sa chute par une «révolution colorée» dont elle s'empressera de saluer le caractère «spontané et démocratique». Sauf que le Venezuela quelles que soient par ailleurs les erreurs et les insuffisances dont est crédité le régime chaviste, n'est pas isolé et discrédité en Amérique latine. Pour preuve, l'élan de solidarité que lui ont manifesté presque tous les pays d'Amérique latine qui ont exigé d'Obama la cessation des actes américains hostiles contre Caracas. Tous ressentent qu'à travers la révolution bolivariste attaquée, ce sont leurs indépendances et souverainetés nationales respectives qui sont à l'heure de la remise en cause par Washington où l'on poursuit la mise en place d'un ordre mondial totalement voué à faire prévaloir la suprématie états-unienne.

Il ne faut pas s'étonner que l'Europe suiviste et consentante au dessein américain amplifie la campagne anti-régime vénézuélien engagée par Washington et que des médias nous arrosent de propagande dans ce sens. Mais cette Europe devrait s'inquiéter du retour pour elle de son positionnement à géométrie variable sur le problème de l'ingérence dans les affaires des autres pays. Comment va-t-elle continuer à dénier à la Russie le droit à avoir sa zone d'influence quand elle approuve le «droit» de l'Amérique à considérer comme telle pour elle l'Amérique latine ou le Moyen-Orient ? Plus personne n'est dupe des «grandes valeurs» que cette Europe prétend défendre en Ukraine et partout ailleurs à travers le monde.