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Fausse «vraie» passation de pouvoir au Burkina

par Kharroubi Habib

Au Burkina Faso, les militaires qui se sont arrogé les commandes du pouvoir après la démission sous la pression populaire de l'ex-président du pays Blaise Compaoré ont apparemment convenu de s'effacer au profit d'acteurs civils pour la conduite de la période de transition ainsi que cela leur a été exigé par la rue et l'ensemble de la classe politique burkinabé ayant été partie prenante dans les manifestations qui ont fait tomber le régime Compaoré.

Il a en effet été annoncé jeudi à Ouagadougou que les négociations entre l'armée et les civils se sont conclues par l'adoption d'une charte de la transition dont les dispositions donneraient satisfaction à ces derniers. L'accord prévoit effectivement que la présidence de l'exécutif qui va avoir la charge de conduire la transition sera confiée à une personnalité civile dont le choix est du ressort d'un collège composé de représentants de la classe politique et de la société civile. Est-ce pour autant que les militaires burkinabés ont cédé au civil la réalité du pouvoir ? Assurément non à la lecture des autres dispositions de l'accord sur la transition. Il apparaît de celle-ci que les représentants de l'armée dans les négociations ont lâché du lest sur la question de la présidence civile de la transition mais obtenu en échange que leur institution soit représentée en force dans les autres institutions provisoires du pays qui vont avoir à gérer la transition.

L'accord le confirme puisqu'il y aura des militaires dans l'instance législative provisoire au sein de laquelle va être débattue la nature qu'aura le pouvoir burkinabé post-régime Compaoré, qu'ils participeront également au gouvernement provisoire de la transition à des postes clefs semble-t-il. Ils auraient du moins obtenu d'être à la tête de celui de la défense et de celui en charge de la tutelle des administrations locales et des services de l'ordre public. Qui plus est il leur a été concédé qu'un militaire puisse être désigné à la tête de l'exécutif gouvernemental.

Le compromis ainsi scellé entre les militaires et les civils satisfait apparemment toutes les parties concernées par la crise burkinabé. Les militaires à coup sûr du moment qu'il leur permet de continuer à exercer un pouvoir de contrôle sur la gestion et les orientations de la transition. Les intervenants régionaux et internationaux ayant fait pression sur les acteurs burkinabés les poussant à ce compromis. Mais il n'a en fait que momentanément désamorcé le risque de l'aggravation de la crise au Burkina que faisait craindre la tentative des militaires de récupérer à leur profit la révolution populaire ayant chassé Compaoré et son régime.

Il nous semble que le faux «vrais» retrait de l'armée burkinabé du devant de la scène politique nationale ne sera qu'éphémère, le temps que les civils et surtout la classe politique préoccupée elle à faire aboutir ses ambitions partisanes forcément antinomiques lui offrent le prétexte d'opérer son retour en décrétant leur incapacité à s'entendre et à œuvrer pour la sortie définitive du pays de la crise qui l'a secoué.