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Burkina: Zida à la manœuvre pour dissocier le front populaire du refus

par Kharroubi Habib

AOuagadougou, l'armée qui a décidé la mise en place d'un régime de transition militaire dont elle a confié la direction au lieutenant-colonel Isaac Zida, numéro deux de la puissante garde présidentielle, a promis que la transition dans le pays se ferait de manière démocratique et en concertation avec l'opposition et la société civile. Promesse qui risque de déliter les rangs de l'opposition à une transition sous la conduite de l'armée et réclame que celle-ci soit confiée à des personnalités civiles.

Zida et les officiers ayant accaparé la charge de diriger la transition ne manqueront pas en effet d'user du registre de la division à l'égard de leurs contestataires civils en les jouant les uns contre les autres par des promesses qui attiseraient les rivalités d'ambitions personnelles et partisanes qui ne sont pas absentes dans ces milieux. L'opération a bel et bien été engagée par les officiers en question sous prétexte de concertation avec les forces politiques et les représentants de la société civile. Toute la question est de savoir si des interlocuteurs de ces militaires n'ont pas déjà succombé aux promesses qu'ils leur auraient prodiguées et n'ont pas finalement renoncé à l'exigence d'une transition civile et non militaire. D'autres pourraient être tentés de suivre leur exemple au constat de l'échec de leur appel au peuple à une démonstration de force le dimanche écoulé contre la confiscation par l'armée de la victoire populaire sur l'ex-président Compaoré et son régime.

La victoire du peuple burkinabé est encore en balance et pourrait lui valoir le fruit amer d'un régime militaire au sein duquel les civils qui accepteront par ambition personnelle d'y être joueront les rôles de comparses et alibis de son «ouverture». Le maintien des militaires burkinabés aux commandes de la transition post-présidence de Blaise Compaoré aurait en tout cas pour effet en Afrique de semer la désillusion au sein des opposants dans les autres pays du continent dont les chefs d'Etat préméditent à l'instar de ce qu'a tenté l'ex-président du Burkina de «réviser» leurs Constitutions nationales pour conserver le pouvoir qu'ils accaparent pour certains depuis plus d'une décennie voire plusieurs.

Il ne faut à l'évidence dans le cas du Burkina ne pas trop compter sur les pressions internationales engageant les militaires à remettre aux civils la conduite de la période de transition. Pour peu que le front du refus interne dans ce pays de la transition militaire donne le signe de s'essouffler ou de se désagréger, les parties étrangères ayant appelé les militaires burkinabés au retrait des commandes de la transition acteront sans états d'âme leur fait accompli.

En Algérie, l'on remarquera que les autorités officielles n'ont soufflé mot sur ce qui est survenu à Ouagadougou. Leur silence n'est pas dicté exclusivement par respect du principe cardinal de non ingérence dans les affaires intérieures des autres pays. Elles l'observent également parce que gênées au-delà de ce que l'on peut penser par la cause première à l'origine de l'insurrection populaire qui a fait tomber le président Blaise Compaoré : avoir voulu changer la Constitution pour rester au pouvoir après plusieurs mandats. Ce qui est en tout cas certain est qu'elles ne regrettent pas le déboulonnement de Compaoré avec lequel elles ont été confrontées à des rapports algéro-burkinabés marqués du sceau de l'ambiguïté des positions de sa part et de franche hostilité burkinabé à l'endroit de l'Algérie sur certains dossiers internationaux ou régionaux.