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Un consensus, oui, mais sur quoi et entre qui ?

par Kharroubi Habib

Les appels à construire un consensus national à même de consolider l'unité et la souveraineté de la nation se sont élevés tant du milieu du pouvoir que celui de l'opposition. Si les deux camps proclament que l'objectif est au cœur de leurs prises de positions et initiatives politiques, ils mettent néanmoins des conditionnalités sur le processus à mettre en œuvre pour l'atteindre, si franchement aux antipodes qu'il en devient surréaliste de croire qu'ils puissent y avoir convergence entre eux qui permettrait l'ouverture d'un dialogue leur permettant la concertation sur le sujet.

Il est clair que le pouvoir et l'opposition n'ont pas la même conception sur ce que doit être un consensus national et sur quelle base le construire. Ils ne le conçoivent de la même façon car fondamentalement en contradiction par leur analyse sur la situation qui prévaut dans le pays. Le pouvoir réfute en effet que l'Algérie soit en crise de quelque nature que ce soit mais admet que le contexte régional et international dans lequel elle évolue ainsi que les évolutions intervenues dans la société algérienne elle-même poussent à l'instauration d'un dialogue prospectif entre toutes les forces vives de la nation. Démarche qu'il n'envisage que patronnée et balisée par lui-même.

De son côté, l'opposition s'appuye sur un diagnostic établissant de son point de vue que le pays est dans une crise multidimensionnelle qui met en péril les fondements de l'Etat républicain et l'unité du peuple. Elle en impute bien entendu la responsabilité au système politique dont a été dotée l'Algérie depuis son indépendance et son aggravation dangereusement menaçante au régime en place avec Bouteflika à ses commandes. Elle dénie par conséquent à celui-ci la capacité et la volonté de chercher à construire un consensus national autre que celui qui consoliderait son maintien et sa continuité dans l'exercice du pouvoir.

Chaque partie s'en tenant à sa vision, il en résulte un foisonnement de préconisations sur le comment bâtir un consensus national. Pour le pouvoir, l'on pourrait y parvenir par le biais de la révision constitutionnelle, projet auquel il a convaincu des segments de l'opposition à participer à une consultation sur son contenu et semble disposé à ne pas la clore si d'autres finissent par accepter la démarche. Les partis ayant décliné son invitation se mobilisent sur un autre registre, celui d'organiser un front du refus de son initiative. Mais leur refus s'accompagne de contre-propositions de démarche pour aboutir au consensus national dont les déclinaisons démontrent qu'eux aussi divergent sur les conditions et les processus pour le construire.

Le Front des forces socialistes (FFS) prône pour ce qui le concerne la réunion d'une conférence nationale à laquelle prendraient part toutes les forces vives nationales sans exclusive qui y participeraient sans poser de préalables ou d'exigences de quelque sorte que ce soit, si ce n'est une confrontation démocratique et une volonté de contribuer au dépassement de la crise que connaît le pays. Il a peu de chance néanmoins de faire aboutir son projet, tant le pouvoir d'une part reste réfractaire à toute initiative dont il n'est pas le moteur et que les principaux partis d'opposition sont eux dans une logique qu'un pouvoir en faillite, mais uniquement préoccupé à se « sauver » n'est plus leur interlocuteur. A contrario du FFS, ces derniers n'envisagent donc qu'une conférence ou un dialogue dont ils ont par avance écrit la partition dont l'air est la mise en place d'une transition démocratique pacifique qui pour certains d'entre eux implique qu'en soient exclus les tenants du pouvoir en place et Bouteflika et son clan au premier chef.