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Le président « gaullien» en mauvaise posture

par Kharroubi Habib

L'enseignement majeur qu'a délivré la cam pagne électorale qui va s'achever est que l'option du quatrième mandat pour un président candidat malade n'est pas aussi massivement acceptée dans le pays que l'ont prétendu les forces et personnalités politiques qui se sont mobilisées en sa faveur. La campagne qu'elles ont animée dans ce sens n'a pas en effet donné à constater le déferlement d'enthousiasme populaire dont elles ont promis qu'il serait au rendez-vous des meetings électoraux du candidat Bouteflika. Elle a au contraire fait la preuve d'une bouderie à l'égard de cette option qui n'est pas le seul fait des adversaires avérés de Bouteflika, mais celui de larges franges de la population. D'où que les prestations des représentants du président candidat n'ont attiré que de maigres foules dont le squelettisme n'est pas de bon augure pour lui à l'occasion du scrutin du 17 avril.

Il n'est certes pas exclu comme en sont convaincus nombre d'observateurs que Bouteflika remportera finalement ce scrutin. Mais certainement pas en écrasant ses compétiteurs comme cela a été le cas à chaque fois controversé néanmoins en 99, 2004 et 2009. Si victoire de Bouteflika il y aurait le 17 avril, elle ne pourrait qu'être étroite au vu des réticences et des oppositions soulevées par sa candidature. L'affubler d'un taux de suffrages de la même hauteur que ceux qui ont été attribués aux précédentes du président candidat provoquerait inévitablement un tollé et une contestation qui ne se limiteront pas à la seule classe politique, pour la raison que la victoire ainsi parée apparaîtrait comme étant impossible à accepter car allant à l'encontre de la réalité électorale telle qu'a été perçue durant la campagne et donc ressortant d'une fraude à l'ampleur inadmissible.

Mais à supposer que Bouteflika l'emporte à la « loyale » contre ses adversaires le 17 avril, mais d'une tête si courte qu'elle minerait l'argument donné pour sa candidature à savoir qu'elle a répondu à un consensus populaire s'étant manifesté en sa faveur, que ferait alors le très « gaullien » président qui se pense toujours aussi populaire dans le pays ? N'est-ce pas lui qui en 99 flamboyant, tonnant et arrogant avait menacé de « rentrer chez lui » au cas où ses compatriotes ne lui accordaient pas une élection dont le taux de suffrages serait au-dessus des 70%. Fera-t-il comme l'illustre personnage auquel il se plaît d'être comparé : c'est-à-dire quitter séance tenante un pouvoir qu'ils lui auront chichement octroyé la possibilité de le prolonger ? Ou s'y accrocherait-il en créditant irrémédiablement l'accusation que son quatrième mandat n'a pour raison que la protection de ses proches et des groupes d'intérêts qu'ils représentent qu'un changement de régime contraindra à des redditions de comptes qu'ils paieraient chèrement ?

Il a été dit à juste titre que le troisième mandat a été de trop pour Bouteflika. Un quatrième mandat sera incontestablement une catastrophe car les oppositions qu'il suscite ont généré des synergies de contestation et de résistance qui ne s'arrêteront pas le 17 avril au soir. Elles s'amplifieront et se radicaliseront s'il apparaît que la victoire du président candidat aura bénéficié du « coup de pouce » de ses obligés dont il a peuplé les institutions et l'appareil d'Etat. Au lieu de cette stabilité dont il a promis que son quatrième mandat en sera le garant, il en résultera à n'en point douter des tensions qui mèneront à des explosions ouvrant la voie de l'aventure à la nation.