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Ministère gadget ou volonté d'en finir avec la bureaucratie ?

par Kharroubi Habib

La création d'un ministère chargé de la réforme du service public dans le deuxième gouvernement Sellal a été présentée comme traduisant la volonté politique qui anime le sommet de l'Etat d'en finir avec la bureaucratie et les maux qu'elle génère. La nouveauté a été dubitativement accueillie tant l'opinion a été saturée d'engagements et de promesses sur le sujet.

Il apparaît cependant que cette fois les autorités semblent déterminées à prendre «le taureau par les cornes» en se dotant d'instruments pour engager la guerre contre le fléau de la bureaucratie. Ce dont a voulu convaincre Mohamed El Ghazi, l'ex-wali de Annaba promu à la tête du nouveau ministère, en affirmant lors de son passage au forum du quotidien El Moudjahid que la mission qui lui est confiée n'a rien d'une campagne conjoncturelle et en déclinant une série de pistes que son département est déjà en train d'explorer pour concevoir une stratégie de lutte anti-bureaucratie globale et cohérente. Un travail qui a déjà donné lieu à l'arrêt de mesures dont l'application interviendrait dans les meilleurs délais et vise à atténuer les effets les plus choquants et criards des pratiques bureaucratiques dans le service public.

Ghazi a admis que ce n'est pas chose facile d'éradiquer par simple décision administrative la bureaucratie et de chambouler les mentalités qu'elle a formatées. Il a ainsi implicitement reconnu qu'il va falloir du temps pour en finir avec le phénomène de la bureaucratie et que pour y parvenir son département aura besoin de l'aide des autres concernés par la prestation de service au profit du citoyen. Ce que le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales semble apparemment empressé de lui prodiguer comme l'atteste l'annonce faite lundi par Tayeb Belaïz estimant nécessaire d'opérer d'une manière urgente et rationnelle des documents d'état civil exigés des citoyens qui doivent être libérés des charges bureaucratiques.

Il a fait savoir à ce propos que l'administration algérienne est en «passe d'annuler 90% des documents exigés sans pour autant violer les lois en vigueur dans le pays». Qu'on puisse annuler 90% des documents exigés sans violer les lois du pays, voilà qui renseigne sur le degré de la gangrène bureaucratique dont a été atteint le service public. Reste à savoir si l'administration ministérielle qui se met en place pour censément faire la guerre à la bureaucratie ne succombera pas à son tour à ce travers et ne deviendra pas elle aussi productrice de bureaucratie prétendument «anti-bureaucratique».

La mobilisation contre la bureaucratie semble cette fois moins «folklorique» que les initiatives précédentes dans ce sens. Mais les Algériens n'y croiront qu'au vu de ses résultats et d'abord au niveau des services publics de proximité dont ils sont les «clients» humiliés parce que reçus et traités avec arrogance et de façon révoltante.

Si Abdelmalek Sellal est véritablement convaincu que la bureaucratie est la source des maux que sont la corruption et le clientélisme et une des causes de la régression du pays en terme de développement, il doit veiller à ce que l'offensive qu'il a décrétée contre elle ne tourne pas aux effets d'annonce et en une campagne ponctuelle qui cesserait d'être menée une fois passé le moment électoral qui précède l'élection présidentielle.