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Un compromis qui sauve la face aux Occidentaux

par Kharroubi Habib

Moscou et Washi-ngton sont par-venus à s'enten-dre sur le texte d'une résolution du Conseil de sécurité concernant la question du placement sous contrôle international de l'arsenal chimique syrien. Du fait que leur projet de résolution fait référence au chapitre VII de la charte de l'ONU (qui pour rappel prévoit sanctions, voire recours à la force si la partie concernée par la résolution n'en applique pas strictement les prescriptions) ce à quoi Moscou s'était jusque-là opposé, les médias et analystes occidentaux l'ont dans leur majorité présenté comme entérinant un «assouplissement», voire un «changement» dans l'attitude de la Russie qui a consisté à protéger le régime syrien de toute initiative au Conseil de sécurité pouvant ouvrir la voie à une action militaire étrangère contre lui.

 Certains, ceux de l'Hexagone en particulier, n'ont pas hésité à qualifier l'acceptation russe de la référence au chapitre VII de «reculade» du Kremlin devant le forcing militaro-diplomatique exercé par les Occidentaux sur la Russie. Venant de milieux qui sont dans la diabolisation systématique des faits et gestes russes dans la crise syrienne, ce décryptage tendancieux n'est pas pour étonner. Il est loin en tout cas d'avoir tenu compte des considérations réelles sur lesquelles Poutine et la Russie se sont prévalus pour donner leur accord à la référence au chapitre VII.

 Pourtant des sources diplomatiques occidentales elles aussi ont déclaré depuis quelques jours déjà s'attendre à un compromis russo-américain sur une résolution onusienne satisfaisant pour les deux parties. Il consiste, selon ces sources, à ce que la résolution onusiennes fasse référence au chapitre VII comme ne cessent de le vouloir les Occidentaux, mais que ces derniers renoncent au principe d'y recourir automatiquement s'ils estiment que le régime syrien ne tient pas ses engagements. En fait, ce que les Russes ont obtenu des Américains en lâchant du lest sur l'adoption d'une résolution sous chapitre VII qu'une action militaire éventuelle contre le régime syrien devra impérativement avoir l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU de nouveau convoqué pour se prononcer.

 Le compromis ainsi réalisé permet aux Américains et aux Français de sortir de l'impasse où ils se sont fourvoyés dans la crise syrienne en faisant peu cas de la détermination russe à faire échec à l'option belliqueuse pour laquelle ils ont opté. Il leur permet également d'offrir à leurs opinions publiques l'illusion d'avoir obtenu gain de cause dans leur exigence pour une résolution «contraignante» pour le régime syrienne qui va le forcer à respecter ses engagements. Pour la Russie, il exclut la récidive d'un scénario à la libyenne qui a permis aux Occidentaux de faire une lecture unilatérale de la résolution onusienne par laquelle ils se sont autorisés d'intervenir en Libye pour de tous autres objectifs que ceux fixés par elle. Il a l'avantage également pour elle de prévenir toute manœuvre de la part du régime syrien qui viserait à violer l'accord russo-américain sur son arsenal chimique.

 Ce compromis réalisé et respecté, les deux principaux acteurs extérieurs du conflit syrien devraient poursuivre en l'accélérant le processus qui doit déboucher sur la tenue de la conférence de Genève II pour la recherche d'une solution politique au conflit. Paradoxalement, ce sont maintenant les Occidentaux qui veulent la tenue au plus vite de cette conférence. Ils y tiennent encore plus au vu de la déconfiture sur le terrain de la coalition de «modérés et démocrates» qu'ils sponsorisent et de la montée en puissance des groupes salafo-terroristes qui rejettent leur tutelle et promettent de retourner les armes contre eux une fois le régime syrien abattu.