Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Ce n'est pas cette fois que le DG du FMI ne sera pas européen

par Kharroubi Habib

La ministre française de l'Economie et des Finances, Mme Christine Lagarde, candidate à la succession à la tête du Fonds monétaire international (FMI) de son compatriote Dominique Strauss-Kahn, que ses démêlés judiciaires aux Etats-Unis ont contraint à la démission, est mathématiquement assurée de l'emporter. Sa candidature bénéficie en effet des soutiens des Etats membres de l'Union européenne, des Etats-Unis et d'autres puissances occidentales, et certainement de celui d'Etats africains soucieux de ne pas froisser la France.

 Les pays émergents, notamment ceux que l'on dénomme les " BRIC " (Brésil, Inde, Chine, auxquels se sont associées la Russie et l'Afrique du Sud), mènent campagne contre sa candidature au principe que le monopole sur les directions des institutions financières que se sont arrogées les puissances occidentales dans les accords de " Bretten Woods " ne reflètent plus les rapports de forces économiques et financières entre elles et le reste du monde.

 Les BRIC auraient obtenu satisfaction, n'eût été que l'Europe, qui se montrait favorable à la dévolution du poste de directeur général du FMI lui revenant automatiquement en application de la disposition non écrite des accords de " Bretten Woods ", ne veut plus s'en dessaisir dans un contexte où ses Etats font face à une crise financière à la résolution de laquelle le FMI est un partenaire crucial.

 Les Etats-Unis quant à eux s'opposent fondamentalement au principe défendu par les BRIC et soutiennent le revirement européen qui maintient le statu quo dans la répartition des postes de direction des institutions financières internationales. D'autant que les BRIC revendiquant qu'il soit mis en œuvre le postulat posant que les responsables des institutions financières internationales soient nommés " sur leurs mérites et non par leur nationalité ", les Etats-Unis craignent qu'il ne leur soit un jour ou l'autre contesté la direction de la Banque mondiale, l'autre pilier du système financier international.

 Les pays émergents n'auront pas satisfaction cette fois. Leur poids au FMI et celui des pays du Sud qui sont favorables à de nouvelles règles pour la répartition des responsabilités au sein de la gouvernance du système financier mondial, ne leur permettent pas d'imposer leur point de vue. Ce qui pose l'obligation qu'ils doivent d'abord et avant tout revendiquer une nouvelle redistribution de la contribution des Etats au fonds du FMI, sur laquelle se fonde jusqu'à présent l'hégémonie des puissances occidentales sur cette institution.

 Dominique Strauss-Kahn, le ci-devant directeur général du FMI, aujourd'hui dans la tourmente judiciaire, s'était montré sensible à la revendication des pays émergents et du Sud pour leur plus grande représentation et participation dans les sphères décisionnelles du Fonds monétaire international. Il a engagé quelques réformes dans ce sens. Il n'est pas certain que Christine Lagarde, qui brigue sa succession, se montre aussi ouverte que lui à cette revendication. Pour les besoins de la campagne électorale internationale qu'elle a entamée sur sa candidature, la ministre française des Finances fait comme si elle est déterminée à poursuivre l'œuvre de rénovation du FMI entreprise par son prédécesseur.

 Mais le fait est là que l'Europe a choisi de faire passer ses intérêts et d'ignorer la justesse de la revendication des pays émergents et du Sud. C'est un combat d'arrière-garde qui cessera inéluctablement avec la montée en puissance toujours plus forte de ces pays sur la scène économique et financière mondiale.