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Générosité et maléfices des saisons

par Abdou BENABBOU

Les indices sur l'évolution économique et sociale du pays ne sont ni dans les énoncés des statistiques ni dans les déclarations des experts. Ils sont aux portes des marchands de fruits et légumes, des restaurants nouvellement rouverts, des boucheries, des pâtisseries et des boulangeries vers lesquels les consommateurs n'avaient aucun mal hier encore à s'orienter dans la quotidienneté. Ils sont dans le nouvel apparat des superettes et des centres commerciaux de plus en plus boudés. Une espèce de lourde chape de silence semble avoir réduit les étals à une inactivité manifeste pour signifier un froid dans l'air pour ce qui est devenu maintenant du superflu.

Difficile et pénible épreuve pour la majorité des revendeurs et des commerçants qui eux ont une juste vue sur le baromètre de la consommation ! Les bouchers en sont aujourd'hui à la contemplation désespérée de leurs viandes qui ne trouvent plus preneurs et les légumiers se rendent compte que la pratique du pesage n'accorde plus de largesses aux défilés des kilogrammes car on a fini par apprendre à acheter à la pièce quand l'obligation de se nourrir s'impose. La surconsommation et son énorme gâchis ont fait croire qu'il suffisait de lever rideau pour transformer une boutique en mine d'or sans savoir que le règne des cigales se conformait à la générosité ou aux maléfices des saisons.

Toutes celles qui ont entamé leurs traversées depuis un temps ont travesti le sens des points cardinaux pour que les espoirs fléchissent et que les cieux s'assombrissent.

On apprend ici et là que de grandes quantités de viandes pourries sont saisies et détruites. Si la tricherie des bouchers est évidente, elle est surtout due à l'embarras du revendeur d'une chair animale douteuse qui se retrouve avec un achalandage sur les bras faute d'acheteurs obligés de s'en tenir à l'essentiel. A la vérité, à cause d'une disette qui se généralise, même cet essentiel perd son sens pour qu'une multitude de familles soient incapables de se prendre en charge.

Il n'est pas étonnant que le seul recours soit l'abri dans la foi.