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COMPLICITE ET DEMISSION

par Abdou BENABBOU

Excédé et avec une simplicité désarmante, un quidam résume en une phrase et d'une manière magistrale la vraie signification de l'Etat. Il n'a eu nul besoin d'aller fouiner dans des expertises prétendument savantes pour trouver une définition juste à ce que l'on entend par force et présence effective de l'Etat. Il a tout bonnement affirmé que tant que les Algériens continuent à être rackettés par les gourdins des parkings et des trottoirs, il restera convaincu que rien dans le pays ne sera changé.

Le problème n'est pas aussi terre à terre qu'il en a l'air et touche directement l'activité quotidienne des citoyens. La tare ne met pas seulement un phénomène secondaire dans la gestion de l'espace et des biens publics, mais met en exergue un des domaines essentiels où l'action de l'Etat est jugée.

La profonde réflexion, aussi anodine que coléreuse qu'elle puisse paraître, est justifiée, car s'accaparer un espace public et le rendre sien avec force et menaces est à mettre au même niveau de ce pourquoi des Premiers ministres, ministres et walis sont à l'ombre des prisons. Le racket au grand jour, au vu et au su de tout le monde, est le summum de la corruption et il représente l'un des meilleurs symboles de l'absence de l'Etat. On aura beau justifier, par lâcheté et fuite en avant, cette originale forme de proxénétisme, elle reflétera toujours, aux yeux des citoyens, une incommodante démission étatique. Règle et loi informelles ou détournées, et perçues comme telles, elles peuvent aussi être comprises comme une complicité identique à celle qui a permis la clandestinité de la mainmise de gros nababs sur les richesses communes.

Il est certain que l'un explique l'autre par un état d'esprit commun né d'une gouvernance délétère fastueusement déployée.

Du prolongement de ce laisser-faire, se nourrit l'incivisme et la multiplication des exigences les plus farfelues de la rue. Les attributs communs deviennent personnels et, dans la foulée, il y aura toujours des pneus ou des mairies à incendier.