Tout porte à croire que le génie de Kamel Daoud a, comme dit notre expression populaire, les pans de ses habits un peu trop salés. Il suffit que ses idées et ses pensées se démarquent pour que la famille dite des intellectuels de chez nous et à laquelle il est censé appartenir lui tombe sur le dos. Le grand paradoxe est que les insultes qu'il subit régulièrement proviennent d'une caste fermée sur elle-même et lui voue une haine en tentant de le pourfendre avec l'arme de la liberté d'expression. L'incongru dans ce procès d'intention est que notre artiste du verbe et du mot que personne n'arrivera à égaler ne rend sienne que la liberté de s'exprimer. Libre à chacun de ne pas adhérer à ses idées, mais il est mal indiqué de lui reprocher d'étaler ses pensées où bon lui semble quand en même temps on prétend militer pour le sacerdoce de la liberté d'écrire et de parler.

Pour qui connaît l'écrivain, la gouaille particulière qui ne cesse de le viser et qui parfois va jusqu'à l'assimiler à un Zemmour déconcerte par des contestables a priori et des contre-vérités. Il est vrai qu'on lui a offert des toitures d'or un peu partout dans les ailleurs les plus éloignés qu'il a dédaignées ne s'en tenant avec une constante fougue qu'à ses origines paysannes fort d'une riche expérience de la vie qui n'a pas été toujours clémente pour lui. Pour qui le connaît encore, son patriotisme reste aujourd'hui intact et nul n'a le droit de le lui contester et grand bien lui fasse si le respect et la reconnaissance ne lui sont dus le plus souvent qu'à l'étranger.

Qu'un imam farfelu, ivre et dérouté par son intégrisme, puisse réclamer sa mort peut se comprendre, mais que quelques acteurs d'un vendredi lui reprochent avec une franche véhémence de donner un simple avis sur une démarche sociale est de la mauvaise foi.

Kamel Daoud a été le Hirak avant le Hirak et il est révélateur d'un état d'esprit et de constater que ceux qui se défendaient d'être les outils d'une main étrangère soient aussi ceux qui lui reprochent de formuler des réserves sur des manifestations dont il pense en mesurer la consistance et le poids.

Sans doute n'est-ce pas là que la difficulté d'avaler qu'un écrivain algérien sorti d'un petit village rural qui s'appelle Mesra face les unes des médias internationaux.