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PARADE OU DEFILE

par Abdou BENABBOU

Le peu d'informations que nous avons sur le défilé de hauts responsables devant les tribunaux laisse perplexe et plutôt que de produire une large satisfaction populaire, le résultat pourrait s'avérer à l'opposé de celui planifié sinon espéré.

Il est affirmé que la parade d'ex-Premiers ministres, d'ex-ministres et d'ex-responsables a été convoquée pour permettre à la justice d'avoir des éclairages à la suite d'aveux faits par Ali Haddad. Or des Ali Haddad aux consciences infléchies sont des centaines se pavanant à travers la largeur du territoire du pays, forts et riches d'un droit usurpé. Puis des Premiers ministres, des ministres ou des hauts responsables ne sont pas tombés du ciel. Leur choix a répondu à des critères qu'exigeait la définition d'une gouvernance choisie et imposée depuis l'indépendance par les tenants du pouvoir. On sait à quoi devait s'astreindre chaque responsable quel qu'ait été son fauteuil ou son strapontin. Il devenait admis qu'aux votes à main levée était censé répondre le droit d'une aînesse sauvage et délurée sur une population qui à son tour était en droit de se permettre d'exiger la mise à l'écart des logiques économiques et sociales les plus sensées.

L'exigence d'une infantile docilité pour être investi d'une quelconque responsabilité a accouché des ogres insatiables et en même temps échansons jusqu'à fabriquer des élus du peuple enclins à acheter sans vergogne à coups de milliards des sièges de députés. Il était donc devenu normal que chaque détenteur d'une parcelle de décision à tous les niveaux monnaye sa chasse gardée. Du sommet à la base, l'articulation de la vie économique et politique est devenue une gigantesque pelote de fils si embrouillés qu'il sera difficile aujourd'hui à la justice de démêler un état des lieux honni. L'ironie, jamais le slogan «pour le peuple et par le peuple» n'a été aussi bien respecté et le «se servir» presque général est devenu un sport national régulier.

La convocation devant la justice d'anciens grands responsables se présente à première vue comme un coup de pied dans la fourmilière. Mais un juge n'a pas pour mission d'être un justicier. Casser le pot aux roses pour la justice algérienne suppose un travail de longue haleine et des enquêtes laborieuses et approfondies à travers la totalité des institutions et des administrations de tout le pays.