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La justice, choix cornéliens ?

par Moncef Wafi

L'un des secteurs les plus scrutés de cette nouvelle dynamique qui accompagne le pays est le département de la Justice dont les Algériens attendent énormément. Longtemps décriée puisque mise sous tutorat, accusée d'avoir plus d'un commanditaire, la justice algérienne doit répondre à des choix cornéliens pour espérer gagner, enfin, la confiance de tout un peuple. Pourtant, les certitudes mises en avant et les garanties offertes par les actuels décideurs se heurtent à l'implacable vérité du terrain qui n'offre pas beaucoup de raisons d'espérer pour les Algériens.

En effet, on insiste sur cette indépendance de la justice impossible à réaliser à l'ombre pesante du pouvoir exécutif. On soupçonne, à tort ou à raison, cette justice de répondre toujours à des injonctions, de donner continuellement l'impression d'attendre l'ordre avant de passer à l'action, de choisir les justiciables selon leurs obédiences du moment. L'instrumentalisation perpétuelle de la justice semble avoir définitivement acté le divorce forcé entre les deux rives. Les informations concernant la réouverture des dossiers Sonatrach et l'autoroute Est-Ouest ont entretenu, un instant, cette idée de réconciliation de la justice avec les Algériens mais la convocation d'Ouyahia et cette mise en scène devant le tribunal de Sidi M'hamed à Alger ont enterré les dernières illusions populaires quant à cette indépendance par rapport aux donneurs d'ordres.

Par ailleurs, l'impression tenace d'un «déjà vu» est le sentiment le plus récurrent chez l'opinion publique et les remakes d'un scénario à la Khalifa ou les autres procès à sensation, qui ont fini par déboucher sur la condamnation de lampistes, sont fort à craindre. En effet, l'action judiciaire semble prioriser la confrontation avec les cadres supérieurs et subalternes des ministères visés par la justice alors que tout le monde sait qu'ils ne sont généralement que des salariés qui doivent obéir à leurs hiérarchies. Souvent, ces cadres sont également victimes de leurs propres responsables qui les impliquent dans des dossiers à risques.

Cet acharnement dénoncé sur ces profils semble encore répondre à la douteuse volonté d'épargner les véritables responsables de ces dérives recrutés parmi les hauts fonctionnaires de l'Etat, ministres compris. Et tant que la justice ne s'attaque pas directement à ces tenants du pouvoir, à ces oligarques qu'on dit protégés par les actuels décideurs, les Algériens regarderont encore le tribunal d'un un œil suspicieux.