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Clanisme politique

par Mahdi Boukhalfa

Le scénario du départ précipité de Bouhadja a bien marché, ou plutôt l'opération de sauvetage du secrétaire général de l'APN, «démissionné» par le président déchu Saïd Bouhadja et réintégré jeudi par le nouveau patron du perchoir. C'est un fait absolument inédit dans la vie parlementaire du pays et dans l'histoire des institutions de la République. Une tempête déclenchée par les partis de la majorité parlementaire à la suite du limogeage du SG, un militant du FLN, par le président de l'Assemblée nationale. Les manœuvres pour bloquer les activités de l'APN et pousser son président à partir prennent un chemin sinueux et les «putschistes» n'hésiteront plus à emprunter les travers de l'illégalité pour nommer un nouveau président de l'APN.

Tout le remue-ménage vécu ces trois dernières semaines au sein de l'Assemblée nationale, allant jusqu'à rogner le peu de crédit qui restait à un Parlement en pleine dérive constitutionnelle, n'avait donc qu'un seul objectif, celui de réintégrer le SG de l'APN dans ses fonctions. Le plus grave dans cette affaire est que les deux secrétaires généraux des partis qui sont arrivés en première et seconde position lors des dernières législatives sont montés au front avec leurs parlementaires pour appeler au départ de Bouhadja, un président de l'APN qui, de son côté, a oublié les moyens légaux pour bloquer sa destitution, offrant tous les subterfuges à ses adversaires pour le faire dégager, même si ces arguments sont aussi illégaux que fallacieux au regard de tous les textes qui régissent le fonctionnement des institutions nationales.

A l'APN, la parenthèse aura été fermée un mercredi, jour symbole du début de la destitution de Saïd Bouhadja, avec la réhabilitation du SG de l'Assemblée nationale par le nouveau président, moins de 24 heures après sa désignation. Le simulacre de destitution d'un président élu par ses pairs s'est donc achevé par une autre tromperie institutionnelle, celle de nommer un nouveau président alors que celui qui a été «démis» est toujours en vie et n'a pas démissionné de son poste. Tant pis pour la légalité, pour Bouhadja qui aura, par son inconstance et son manque de profondeur politique que lui a conférée sa fonction de troisième homme de l'Etat algérien, contribué encore plus peut-être que ses adversaires à ternir l'image du Parlement. Et des représentants du peuple, solidaires pour un des leurs, agressifs dans la défense de leurs privilèges, mais terriblement inefficaces pour défendre l'amélioration des conditions de vie de leurs électeurs.

Ainsi s'achève l'une des crises les plus graves de l'APN, dont le règlement aura été foulé aux pieds par les représentants du peuple pour justifier un déplorable coup de force contre la légalité. Pour autant, l'opposition au sein de l'hémicycle, qui n'a pas ménagé sa peine pour dénoncer cette politique du fait accompli, va continuer à travailler avec ce que beaucoup ont qualifié de président illégitime. Au sein des autres partis d'opposition représentés à l'Assemblée nationale, le travail va continuer avec les mêmes objectifs : faire barrage à la politique antisociale du gouvernement et dénoncer les dérives de la majorité parlementaire. Le MSP résume peut-être le mieux l'état d'esprit actuellement au sein de l'opposition à l'Assemblée nationale lorsque son président affirme que «nous devons faire avec le fait accompli, comme l'ont fait plusieurs partis avec plusieurs institutions de l'Etat et avec les deux chambres du Parlement à la légitimité entachée depuis le début de la fraude électorale en 1995''. Faut-il dès lors en vouloir à tous ceux qui boudent depuis longtemps les isoloirs ?