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Liaisons fatales

par Mahdi Boukhalfa

Incroyable coïncidence que la tenue hier dimanche d'un sommet de la Ligue des Etats arabes au lendemain d'une agression caractérisée contre la Syrie par une coalition qui a détruit en 2011 la Libye. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont également participé à la destruction en 2003 de l'Irak.

C'est dire que les bombardements contre des cibles civiles et militaires syriennes par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont été menés comme un «remake» de ce qui s'est passé en 2003 en Irak, lorsque Washington, avec son fidèle allié britannique, avait planifié, avec le soutien de Ryadh et du Koweït, la destruction de l'Irak sous le fallacieux prétexte de la fabrication par l'ex-régime de Saddam Hussein d'armes de destruction massive (ADM). Les «certitudes» de l'époque du chef de la diplomatie américaine, l'ex-général Colin Powell, s'étaient ensuite évaporées avec l'invasion de l'Irak et sa destruction en tant qu'Etat et nation. Il y a eu ensuite en 2011 la Libye de Mouammar Kadhafi qui a également été détruite, Etat et nation, par les bombes et les raids aériens de la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne notamment. C'était pour imposer la démocratie dans un pays où le «Printemps arabe» a laissé aujourd'hui place à un chaos politique et militaire total avec, en prime, une Libye devenue un terreau fertile pour toutes les franchises terroristes dont celles qui sont l'œuvre des officines du renseignement occidental.

C'est donc quelques heures après les bombardements de sites supposés servir à un programme de production d'armes chimiques que les pays arabes, majoritairement favorables à ces «frappes aériennes» contre la Syrie, se sont réunis hier dimanche dans la ville saoudienne de Dhahran. Les ennemis d'hier, Saoudiens et Qataris, se retrouvent autour de la même table, non pas pour dénoncer et faire front contre un ennemi qui est en train de «manger» les pays arabes les uns après les autres, mais, bien au contraire, pour le soutenir dans cette œuvre que les sionistes de tous bords soutiennent, appuient et financent. Il ne fait aucun doute là-dessus et il ne faut surtout pas se tromper sur le poids et l'implication d'Israël dans cette nouvelle campagne militaire des Etats-Unis, appuyés par la France et la Grande-Bretagne, contre un pays arabe, la Syrie, à qui ils veulent réserver le même sort que l'Irak et la Libye.

Certes, le régime de Damas, pour avoir refusé en 2011, au début de la guerre civile, d'entrevoir autrement l'avenir politique du pays, a une part de responsabilité dans cette situation qui a donné toutes les raisons du monde à ceux qui cherchaient la moindre occasion pour déclencher l'embrasement au Proche et Moyen-Orient. Etats-Unis et France en tête, sous la pression des relais sionistes qui infectent les milieux intellectuels français et avec le soutien traditionnel de la Grande-Bretagne, il ne restait plus grand-chose à négocier pour éviter une ingérence de trop dans la crise syrienne. Pis, les Etats de la Ligue arabe étaient divisés sur la crise syrienne, les uns procuraient des armes aux rebelles, les autres soutenaient des franchises terroristes et une troisième partie de pays arabes restait sagement dans une neutralité irresponsable. A la fin, la Syrie est exclue de la Ligue et mise au banc des accusés.

Au final, le sommet de Dhahran ne va rien apporter de nouveau, si ce n'est un nouvel avertissement à l'Iran, un soutien renouvelé à la coalition occidentale pour faire chuter le régime à Damas et, surtout, ouvrir la voie à une intrusion de l'entité sioniste dans les affaires des pays arabes. Quand ce n'est pas une normalisation rampante entre beaucoup de capitales arabes avec l'entité sioniste.