Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L'Algérie en berne

par Mahdi Boukhalfa

Hier, mercredi 11 avril, tout s'est arrêté brusquement peu après 8 heures du matin. Les Algériens venaient d'apprendre le terrible crash d'un avion militaire avec un tragique bilan de pertes humaines. A la hauteur d'un drame national pour les Algériens comme pour les familles des militaires qui étaient à bord de l'appareil. L'intensité du drame a été ressentie dans le monde, avec beaucoup de messages de compassion pour le peuple algérien.

Cette catastrophe nationale, qui a rappelé ce sentiment parfois oublié d'appartenance à une nation, un pays, a été vécue par beaucoup de familles algériennes comme un drame familial, un événement qui a rapproché les Algériens dans la douleur. Dès que l'information est tombée, il y avait beaucoup de tristesse dans la voix des gens qui appelaient pour s'informer de l'ampleur de la catastrophe, du nombre de victimes, des rescapés. Un terrible coup sur la tête avec cet accident, l'un des plus dramatiques de l'aviation, pour les Algériens. Il y avait ce sentiment, longtemps refoulé, sinon oublié, qu'il y a des Algériens qui vivent autrement, qui sont dans les casernes, qu'ils fassent leur devoir national ou qu'ils aient choisi les métiers militaires.

Ce ralliement spontané, comme celui qui a été enregistré en février 2014 avec le crash d'un C130 de l'ANP à Oum El Bouaghi, des Algériens à un nationalisme souvent fuyant, pour ne pas dire délétère avec une crise de confiance caractérisée, n'étonne pas mais confirme cette appartenance à une culture que beaucoup tentent de préserver. Cette culture qui fabrique tout simplement un Algérien, qu'il vive à Tindouf, Djanet, Aïn Sefra ou New York. Dans la douleur, les Algériens, en particulier les familles, les proches et les amis des victimes du crash, auront donné cet espoir qui fuit ce pays depuis plusieurs décennies, que tout n'est pas perdu pour une reconstruction en profondeur de la société algérienne. Une société il est vrai disloquée, démembrée par des années de désespoir et de sinistrose politiques, de tâtonnements économiques, de terrorisme, d'horizons bouchés et d'un avenir suspendu à un quotidien vacillant entre crise économique et marasme social.

Les Algériens ne vivent pas encore le bonheur, la prospérité, mais vivent quand même, avec leurs espoirs enfouis dans un recoin de leur vie, espèrent que demain sera mieux qu'aujourd'hui, avec cette naïveté toute méditerranéenne pour que les choses s'améliorent autant sur le plan politique, économique que social. La crise économique n'est pas une fatalité et sa résolution n'est qu'une question de bonne gouvernance, donc qui dépend de solutions concrètes. A hauteur d'humains. La fin du marasme social est également une question de bonne gestion de la demande sociale, que les élus fassent leur travail et répondent efficacement à cette formidable attente populaire quant à des lendemains moins stressants, même si tout le monde sait que dans cette conjoncture particulière, c'est le fonds qui manque le plus.

Mais, il y a cette «açabya» tout algérienne qui fait que lors de moments difficiles, douloureux, renaît ce nationalisme qui redevient «à fleur de peau», d'appartenance à un pays, une nation et que les malheurs, qui frappent ces deux entités, atteignent profondément le vécu quotidien des Algériens. La terrible tragédie nationale du crash d'un avion militaire hier à Boufarik a, encore une fois, rassemblé les Algériens dans la douleur. Comme un élan national spontané d'apaisement de la peine immense des familles des victimes et de pieuses pensées pour les martyrs du devoir.