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Juste un statut

par Mahdi Boukhalfa

«Nous ne voulons pas de salaire, mais juste un statut». C'est le cri de détresse de ces médecins résidents qui battent le pavé depuis plus de deux mois pour amener les responsables du ministère de la Santé à accéder à leurs revendications. La situation est en train de pourrir et se dirige lentement vers des scénarios où dans tous les cas de figure, ce seront les malades et ces jeunes étudiants qui en seront les victimes. Mercredi dernier, ils ont reçu à leur corps défendant une réponse violente à leurs revendications et, surtout, un message clair du ministère de la Santé qui ne veut, apparemment, pas céder sur l'essentiel de la plateforme de revendications.

Le silence du ministère, non seulement vis-à-vis de ce dossier brûlant, mais également pour éclairer l'opinion publique, puisque c'est la première victime collatérale sur ce bras de fer, vaut comme une réponse cinglante à toutes les interrogations sur une telle démarche suicidaire, absconse. Le gouvernement Ouyahia, qui a déclaré à plusieurs reprises, quitte à effrayer les marchés, les opérateurs et les citoyens, qu'il n'y a pas d'argent, est-il derrière la dureté de la position du ministre de la Santé face aux revendications des médecins résidents? L'octroi d'un statut à cette catégorie de personnel médical, des étudiants en fait qui passent leur spécialité dans les hôpitaux, synonyme de salaire, est-il derrière le «niet» du ministère aux revendications des résidents, qui aurait été conseillé de ne pas envisager cette issue ? Sur le service militaire, la question est tout autant la même et tombe sous le sens, puisque seule cette catégorie d'universitaire n'est pas, pour le moment, concernée par les exceptions du service militaire.

A vrai dire, cette protesta des médecins résidents semble avoir déterré un vieux serpent de mer, d'anciens contentieux, de vieilles querelles de chapelle oubliées dans le secteur de la Santé. Mais, elle aura surtout mis le doigt sur une situation irréelle que l'opinion publique a toujours ignorée, celle de ces résidents qui accueillent tous les malades du pays, de toutes conditions sociales, sans être eux-mêmes ni assurés, ni salariés, encore moins posséder un simple statut dans l'échelle sociale. Autant ils sont missionnés pour prendre en charge les catégories sociales les plus vulnérables, celles qui n'ont que les hôpitaux pour guérir leurs pathologies, souvent graves, autant ils sont inexistants sur la grille sociale, que ce soit en termes d'assurance sociale, que par rapport à un statut professionnel.

La colère est donc justifiable dès lors que la nouvelle loi sanitaire tarde à être «corrigée», car concoctée sans l'avis des médecins, des pharmaciens et des organisations professionnelles du secteur de la Santé. Un projet de loi bidouillé dans le plus grand secret et que le bureau de l'APN avait renvoyé durant la session de printemps, l'année dernière. C'est dire combien ce secteur de la Santé, depuis quelques années, n'arrive plus à remplir ses missions et reste empêtré dans des situations inextricables, n'arrivant plus à gérer un secteur devenu pléthorique en personnel, boulimique financièrement et complètement à la dérive en termes de prise en charge des malades et de disponibilité de médicaments.

Constat terrible que symbolise cette grogne des résidents, les futurs médecins des hôpitaux du pays. Toutes les réformes de la carte sanitaire depuis 1990 n'ont pas abouti à des résultats probants qui puissent placer une fois pour toutes la Santé algérienne sur orbite, en dépit des budgets colossaux consentis par les pouvoirs publics. Le malaise est profond, la crise aiguë et, plus grave, les solutions inexistantes.