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Phagocytage

par Mahdi Boukhalfa

Terribles aveux de Boualem M'rakech, de la CAP, sur l'économie nationale. Une dénonciation de lobbies qui évoluent à l'intérieur du système et qui bloquent les solutions de sortie de crise du pays. Qui le parasitent, le phagocytent. Et tant pis si le pays, pour ne pas plier, va vers des solutions extrêmement dangereuses pour sa stabilité sociale, son indépendance économique. Boualem M'rakech accuse une «maffia politico-financière» de bloquer toutes les décisions prises pour la relance économique. Et il l'affirme, pointant du doigt «la maffia de l'importation».

Des accusations gravissimes qui demandent confirmations officielles. Car le président de la CAP s'est interrogé sur les raisons qui ont fait que toutes les décisions des tripartites (gouvernement-UGTA-patronat) n'aient jamais abouti.

Mieux, il affirme que le pacte de croissance économique lancé par le président Bouteflika a été bloqué par ces mêmes lobbies, une situation qui a non seulement «coulé» les entreprises publiques stratégiques, mais également les entreprises privées performantes. Les accusations de l'un des représentants du patronat algérien ne sont pas le fait d'une colère ou un sentiment de frustration, mais une réalité tangible qui pourrait, selon lui, être vérifiée.

Pour autant, au-delà de ces déclarations, qui engagent leur auteur, il y a des faits troublants qui se déroulent à la lisière des grandes décisions économiques. Comme ce dossier des licences d'importation qui aurait coûté sa place à l'ex-Premier ministre, qui aurait voulu donner un coup de pied dans la fourmilière. L'épisode de son bras de fer avec l'un des patrons les plus proches du sérail s'est terminé par la manière que l'on sait. Tebboune a-t-il voulu trop en faire en verrouillant les importations ou a-t-il été victime d'une «mort subite» en voulant s'attaquer à certains territoires protégés ? On se rappelle, Ouyahia, dès son arrivée, annule la tenue de la tripartie prévue alors en septembre et fait des déclarations fracassantes, inquiétantes et potentiellement déstabilisantes pour les milieux d'affaires et chefs d'entreprise. Le résultat a été une envolée rapide des devises face au dinar sur le marché noir, les propos d'Ouyahia sur l'état de l'économie nationale ayant fait peur à tous les détenteurs de capitaux, et jusqu'au petit épargnant, ce qui a provoqué un rush vers l'euro, une monnaie devenue refuge.

Plus grave encore, l'ex-ministre de l'Industrie Mahjoub Bedda, à propos de la construction de voitures en Algérie, a parlé d'importations déguisées. Dans le même temps, il a promis un nouveau cahier des charges pour débusquer l'arnaque. Il n'est pas allé au bout de son programme de travail et a été débarqué, lui et le ministre du Commerce, avec la fin de mission d'Abdelmadjid Tebboune. Difficile de ne pas voir une certaine corrélation entre ces événements et le «spleen» d'une partie du patronat. Mieux, le dossier Peugeot est immédiatement déterré et, trois mois après l'arrivée d'Ouyahia, un accord est officiellement annoncé et la première voiture Peugeot prévue pour 2018. Et, là encore, il n'y aura aucune plus-value pour l'industrie nationale, puisque les voitures du constructeur français vont arriver en kits en Algérie.

Décryptées, les accusations de M'rakech ont une étrange sonorité d'un pathétique cri de détresse. Car ses propos ne sont ni plus ni moins que des accusations selon lesquelles l'économie nationale est rongée de l'intérieur et que la prédation est devenue une menace potentielle, car étant à la source du blocage de toutes les décisions prises pour trouver des solutions de sortie à la crise actuelle. Alors, quel crédit accorder à tout cela ?