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Le prix de la dignité

par Moncef Wafi

Les touristes algériens devront encore se contenter de la «misérable» allocation touristique octroyée par l'Etat. En effet, le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Loukal, a exclu une quelconque revalorisation de cette dernière, prétextant la défense de l'économie nationale. Alors que nos voisins marocains et tunisiens perçoivent respectivement 3.500 et 3.000 euros, les Algériens n'ont droit qu'à la modique somme de 120 euros, parfois moins, quand la devise est disponible dans les banques publiques. Souvent, il faut revenir plusieurs fois avant de se voir servir.

Le contexte économique actuel, évoqué par Loukal, reste une mauvaise réponse d'autant plus que lorsque l'Algérie dépensait ses milliards de dollars de pétrole sur certains projets, l'allocation n'avait pas été revue. Le gouverneur de la Banque d'Algérie tire la sonnette d'alarme sur le montant de devises à mobiliser en cas d'une revalorisation de l'allocation touristique prenant à témoin le nombre en millions de détenteurs de passeports biométriques. Pourtant, cette assistance pécuniaire est un droit pour les Algériens, une quote-part individuelle dans la rente pétrolière et non une aumône. Avec 120 euros par an, les Algériens sont poussés violemment dans les bras du marché informel des devises où l'euro se change à 190 DA. C'est à se demander si on veut laisser le citoyen constamment otage d'un système où il compte pour de la menue monnaie.

La dignité des Algériens n'a pas de prix, ne cesse-t-on de nous le rappeler comme une éternelle promesse électorale. Si. Elle a un prix, celui qu'on déclare à la PAF étrangère quand on vous demande combien vous avez dans votre portefeuille. Lâcher les Algériens à l'étranger avec 120 malheureux euros, c'est les exposer à toutes les humiliations possibles. Mais nos responsables n'en ont cure, eux qui voyagent sur le dos du pays, frais de mission en devise et prise en charge royale. L'autre face de cette pièce est cette insistance, devenue suspecte à la longue, de refuser l'ouverture de bureaux de change. Pour Loukal, elle est «prématurée» et ne constitue pas une priorité. Pourquoi ? Le dinar algérien n'est pas convertible et que le pays ne connaît pas une intense activité touristique, a-t-il expliqué.

Si la faiblesse de notre monnaie nationale n'étant un secret pour personne, il aurait été plus judicieux d'essayer de booster le tourisme en permettant, par exemple, et dans une première étape, l'ouverture de ces bureaux de change comme partout dans le monde. Alors que le nouvel ordre économique se base sur la diversification de l'économie nationale en misant, entre autres, sur le tourisme, on impose toujours et encore aux Algériens et aux touristes étrangers de se rabattre sur le circuit informel où des millions d'euros changent de main chaque jour, dans l'impunité la plus totale, pour des considérations qu'il n'est pas permis de connaître.