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La santé du président, otage des clans

par Mahdi Boukhalfa

La santé du président continue de faire débat, et pas seulement en Algérie. Ce désir atavique de connaître l'état de santé de Bouteflika, un des derniers «baroudeurs politiques» de ce côté du monde, reflète autrement les angoisses politiques dans le Machrek sur l'avenir de l'Algérie, et par ricochet de celui du Maghreb. L'angoisse est palpable chez les politiques des pays arabes, que ce soit à Beyrouth ou ailleurs, car les données géopolitiques du Maghreb font peur. Une Algérie affaiblie, c'est la région qui est susceptible de connaître une nouvelle période d'instabilité, les ingérences militaires étrangères et la résurgence du terrorisme.

Les capitales occidentales savent que l'Algérie actuellement est un puissant rempart contre les menaces, qu'elles soient terroristes ou de déstabilisation politique. La déroute politique et sécuritaire en Libye a été colmatée in extremis par l'Algérie, par sa diplomatie, qui poursuit un travail de longue haleine pour restaurer la paix et la sécurité en Libye. Au-delà de la Libye, Egypte en tête, les interventions ciblées de la diplomatie algérienne empêchent ce pays de basculer dans le même chaos que celui connu par l'Irak ou dans une moindre mesure la Syrie.

L'intérêt des politiques arabes, de la presse du Machrek à la santé du président Bouteflika n'est cependant pas celui des milieux médiatiques et des observateurs occidentaux, en France notamment. Car dans ces milieux la santé du chef de l'Etat doit être du domaine public et donc, comme dans les démocraties, communiquée et rendue publique pour informer l'opinion et la classe politique de la capacité du président de diriger le pays, de gérer les affaires courantes et d'être présent sur le champ politique. Cette démarche procède également d'une certaine hypocrisie politique de la presse de l'Hexagone qui s'intéresse beaucoup plus à la forme qu'au fond des choses. Car se cristalliser sur la santé de M. Bouteflika, c'est oublier qu'il y a des institutions et des lois qui font marcher le pays, comme elles l'ont fait marcher avant lui et après lui. En bien ou en mal, c'est un autre problème qui concerne les Algériens.

C'est un être humain et donc susceptible comme tout être humain de tomber malade et de partir en congé de maladie. Mais, au sein du sérail, on commet également des erreurs. Etait-il vital d'aller jusqu'à reporter des visites de personnalités étrangères ? La stature d'une Angela Merkel est particulière et l'Algérie actuelle a besoin d'une relation forte, solide et pérenne avec l'Allemagne. Il aurait été judicieux de ne pas l'avoir ?'déprogrammée'' pour cause de maladie du président, mais de la maintenir et d'en tirer tous les bénéfices d'une coopération économique avec le pays qui peut, comme jamais aucun autre partenaire ne peut le faire, montrer aux Algériens comment s'affranchir de la dépendance des hydrocarbures.

Merkel ne reviendra peut-être jamais en Algérie, si elle est battue aux prochaines élections législatives, ni aucun autre chancelier avant longtemps. Ces Allemands, ils ne font pas ?'tout un plat'' de la santé d'un président et font tourner leur pays sans lui. Jusqu'à quand la maladie d'un président chez nous restera otage des luttes de clans ?