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Internet, une législation à la chinoise

par Moncef Wafi

En se rappelant au bon souvenir de la presse, le chef de l'Etat rouvre un dossier déjà sérieusement entamé par le passé. Il est de notoriété publique que Bouteflika ne porte pas la presse algérienne dans son cœur, sentiment largement partagé par les hommes du système qui ne ratent aucune occasion pour pourfendre les gens de la presse, leur imputant directement les échecs du pays. Ces attaques à peine voilées qui menacent la survie même des titres «ennemis» se cristallisent concrètement par un tour de vis sur la publicité et l'institutionnalisation de lignes rouges à ne pas dépasser, le tout empaqueté dans une terminologie de circonstance où le patriotisme se le dispute au professionnalisme vertueux vu et corrigé par El Mouradia.

A l'occasion de la Journée nationale de la liberté d'expression, les précisions de Bouteflika sur la presse électronique sont tout sauf anecdotiques. Son discours n'est pas à prendre à part mais constitue la dernière pièce d'un puzzle mis en place en amont. Bouteflika a scellé un programme de mise sous tutelle de la Toile, dernier bastion encore disponible pour une liberté d'expression démocratisée et relativement facile d'accès. Le discours de Bouteflika suggère que le temps de la liberté sur la Toile prend fin ou est en train de s'effilocher. La promulgation d'un Organe de surveillance de l'internet, critiquée par les internautes algériens qui y ont vu une sorte de mirador braqué sur la Toile malgré les assurances du gouvernement sur la préservation de la vie privée, la proposition de la ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication de bloquer les sites pornographiques, les demandes algériennes d'informations sur les utilisateurs de Google suggèrent elles aussi qu'un mur a été construit autour de la Toile pour en surveiller et surtout limiter son accès.

La coupure générale d'internet lors de la deuxième session du baccalauréat est dans toutes les mémoires et pour les plus sceptiques on se dirige vers une législation à la chinoise concernant le monde de la Toile. La presse électronique avec son apport mais aussi avec ses dérapages a plus besoin de recadrage et de garde-fous que d'une leçon de moralisation ou de menaces et le pouvoir en place aura plus à gagner en traitant la presse quelle qu'elle soit de partenaire que d'adversaire à abattre par tous les moyens. Pour l'opposition, le message de Bouteflika n'est ni plus ni moins qu'une nouvelle tentative de museler la liberté de la presse et d'expression. Au président de leur démontrer le contraire.