Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L'école au centre des passions

par Moncef Wafi

Depuis le début de cette rentrée scolaire, la polémique n'arrête pas d'enfler à cause d'un malheureux selfie, phénomène à la mode, d'une enseignante de Barika, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Batna, pour qu'on se retrouve face à deux tranchées et un débat aussi inutile que byzantin. Alors que l'école algérienne reste sinistrée, tiraillée entre des tentatives d'islamisation individuelles et des réformes récurrentes de la tutelle, finissant par la déstabiliser, l'opinion publique, les parents d'élèves en premier, assiste à une véritable guerre d'usure entre réformistes et gardiens du temple. Mais qui est qui ?

Ce cas d'école du selfie et du post de l'enseignante suffit à démontrer toute l'indigence du débat, plus passionnel que construit, que peut susciter l'école prise en otage par les déclarations des uns et des autres. Aujourd'hui, l'éducation nationale n'a pas besoin de cette publicité maladroite, montée en épingle par certains cercles qui veulent donner coûte que coûte l'image d'une Algérie aux mains des obscurantistes religieux du temps de l'ex-Fis. Ces chapelles répondant à des agendas politiques internes et externes, véritables mercenaires au service de capitales occidentales, vont jusqu'à créer le buzz là où il n'est question que d'un malentendu localisé.

D'un banal fait divers qui s'est passé au lycée de Sebbala d'Alger, on habille le pays d'un tchador noir, rameutant les troupes pour dénoncer un péril qu'ils sont les seuls à subodorer. Le cas de l'enseignante de Barika a divisé les facebookistes algériens entre condamnation et mobilisation. Cette surmédiatisation coupable a exaspéré les tensions et fait sortir du bois les snipers. Entre démocrates de salon, opposants d'apparats et défenseurs zélés de la langue arabe, l'école se retrouve orpheline de son statut : celui du temple du savoir. Au lieu de s'occuper de l'essentiel, des élèves et de leur avenir éducationnel, on se perd en conjectures à cause de gens qui sont à fond dans leur logique de pyromane. Au lieu d'éloigner l'école de toutes ces querelles de clocher, on hypothèque sa neutralité, déjà perdue, foulée aux pieds des revendications syndicales et des incompétences institutionnelles.

Si la ministre, première responsable du secteur, joue l'apaisement demandant l'ouverture d'une enquête, l'affaire est définitivement sortie de son cadre originel. La Toile s'est aussi enflammée après les signes de soutien à l'enseignante versant dangereusement dans la surenchère. Reste que l'école a plus besoin de sérénité, de bus scolaire au lieu de camion-benne, de classes de 25 élèves à la place des poulaillers imposés et de véritables cantines scolaires.