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Les amalgames

par Moncef Wafi

Nice puis Munich, pour ne citer que les dernières tueries de masse perpétrées en Europe, et au-delà de l'horreur suscitée, pose des interrogations non sur les mobiles de leurs exécutants mais sur la réaction des citoyens de ces pays. En France, et pour la fête nationale du 14 Juillet, un homme souffrant probablement de troubles mentaux et loin des mouvances djihadistes connues est passé à l'acte au volant d'un 16 tonnes faisant 84 morts dont le tiers est de confession musulmane. Une poignée de jours plus tôt, il avait envoyé quelque 100 mille euros à sa famille en Tunisie, c'est dire une fortune.

 Paris, et sans attendre le début de l'enquête, a accusé Daech et menacé de le frapper plus durement en Syrie et en Irak. Hollande et Valls se sont empressés de désigner les islamistes comme étant responsables de cette tuerie. Le résultat ne s'est pas fait attendre : plus de 200 villageois des environs de Manbij, une ville de 50.000 habitants tenue par l'EI, à 100 km au nord-est d'Alep, ont en effet trouvé la mort dans des bombardements aériens effectués officiellement par la coalition USA, France et Grande-Bretagne, dans la nuit du 18 au 19 juillet. Selon Damas, la responsabilité directe de l'aviation française est engagée dans ce qui est qualifié de pire bavure de la coalition en Syrie.

 La justice française est intervenue suite aux propos de Hollande et de son Premier ministre pour donner plus de poids à leurs accusations. Des preuves en veux-tu en voilà sont livrées au public et l'amalgame terrorisme et islam a encore pris du crédit aux yeux des Français moyens. Pourtant, il n'est un secret pour personne que les preuves peuvent être bidonnées dans des affaires de terrorisme et du reste cela ne serait pas une première dans le paysage judiciaire français. Le juge Jean-Louis Bruguière, l'ancien «patron» de l'antiterrorisme français, en est le parfait exemple. Cet amalgame nourri par le silence complice des politiques français, quand ce n'est pas pour souffler sur les braises, a fini par alimenter les haines raciales et exacerber les peurs somme toute légitimes des citoyens français.

 En Allemagne, les médias ont tôt fait d'éteindre toute polémique sur les motivations meurtrières de Ali David Sonboly, un Germano-Iranien de 18 ans, qui selon Bild, le quotidien allemand le plus populaire, est un forcené souffrant de problèmes psychologiques, sans lien avec le djihadisme. Le chef de la police de Munich affirmera également qu'«il n'y a absolument aucun lien avec le groupe Etat islamique». Net et précis, loin des sous-entendus nauséabonds et des allusions religieuses. Tout au contraire, le modèle premier de Sonboly n'est pas une figure de l'islam ni une icône du djihadisme international mais Anders Behring Breivik, le plus grand meurtrier de masse en Europe. C'est dire que le Norvégien a fait des émules.