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DOS AU MUR, L'INCONFORTABLE POSTURE

par Yazid Alilat

Les parlementaires débattent de certaines dispositions du projet de loi de finances 2016, élaboré dans un contexte macroéconomique national stressant, à un moment où les recettes des hydrocarbures ont pratiquement fondu entre 2014 et 2015. Certes, il y a les réserves de change, mais combien de temps tiendront-elles ? A la fin de l'année, le gouvernement Sellal n'escompte engranger au mieux qu'un peu plus de 34 milliards de dollars. Pour 2016, les prévisions sont encore plus négatives. Et, dans cette situation déprimante, tous les indicateurs sont pratiquement dans le rouge: retour aux déficits donc, avec une balance des paiements négative, hausse du déficit commercial et baisse de la valeur du dinar sur le marché des changes.

Il faudrait remonter aux années 1990 pour revivre un tel scénario catastrophe, avec un prix du baril jouant au ?'yoyo'' entre 45 et 40 dollars. Et encore, il faudrait compter en moyenne 5 ou 6 dollars de plus pour le brut algérien. La baisse des cours pétroliers s'étant installée dans la durée avec une récession qui touche les grandes économies, Chine au premier rang, il est tout à fait prévisible que le brut aille se morfondre dans des seuils inquiétants, tant que le plus gros producteur OPEP ne fasse pas l'effort de comprendre les douloureux arbitrages économiques qu'il a provoqués chez les autres pays membres. Dès lors, cette ?'crise nous met dos au mur'', clame le président du Conseil national économique et social (CNES), Mohamed Seghir Babes. Pour une fois, Babes joue son rôle et avertit tout le monde, gouvernement y compris: ?'La crise nous met dos au mur pour voir ce qu'il y a clairement en face''.

Face à cette situation et, surtout, les appels de certains responsables gouvernementaux à ?'une diversification'' de l'économie nationale, une sorte d'incantation «vaudou'' pour prévenir le mal de cette crise économique, il répond que celle-ci ne ?'ne se décrète pas du jour au lendemain''. Mettre en place une économie performante, concurrentielle, qui produit et qui exporte, cela ne se fait pas du jour au lendemain, rappelle le président du CNES dans une intervention hier mardi à la radio nationale. Bâtir une économie forte, indépendante des hydrocarbures, ?'cela se construit, il faut aller vers l'espace économique mondial, et si vous n'êtes pas compétitifs, vous disparaissez''. Constat glacial de celui qui préside en fait un organe consultatif censé lui même prévenir tous les opérateurs, décideurs et acteurs politiques de la dangerosité et de la menace que faisait courir à l'Algérie une politique économique ?'unijambiste''.

Il est clair que crier aujourd'hui sur tous les toits que la crise est là, qu'il faut trouver des alternatives, retourner aux vraies valeurs du travail pour rebâtir ce que la confiance aveugle sur la courbe ascendante du pétrole avait détruit paraît futile. Jusqu'à ces députés qui marchent sur les pas du gouvernement pour lui donner un quitus ouvrant la voie aux augmentations des taxes et prix de certains produits, dont les carburants, le gaz et l'électricité. Comme si les Algériens, la grosse masse des Algériens, étaient responsables de cette crise et qu'il faille donc, comme l'avait réclamé le ministre des Finances, supporter une partie de ces hausses et ne pas gaspiller. Un doux euphémisme à un moment délicat où la sagesse aurait voulu que le gouvernement trouve une meilleure démarche pour passer au mieux cette période difficile, sans rompre ses liens avec les Algériens.

Serrer la ceinture, les Algériens en ont l'habitude, toute la question est de savoir combien va durer cette crise. Car dépassé les constats et les solutions de circonstance, un moment viendra où chacun doit rendre des comptes. En 30 ans, c'est la seconde fois que l'Algérie est ébranlée par un choc pétrolier. Entre les deux périodes, rien n'a été fait pour manger autre chose que du pétrole. Alors, inviter les citoyens à accepter d'intolérables hausses ? Déprimant.