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Le logement, une histoire à un million de dinars

par Y. Alilat

En Algérie, le créneau le plus rentable par les temps actuels, c'est le logement. Il fait tourner la machine. Et puis, la bonne vieille formule de «quand le bâtiment va, tout va» marche encore à merveille. Il faut cependant entendre par là que la valeur ajoutée de ce bien est surtout politique, accessoirement sociale. Pour la simple raison que le ministre de l'Habitat, par une sorte de «passe-passe» dont il a le secret, a réussi à mettre face à face deux grandes strates sociales algériennes: celle qui gagne plus de 100.000 dinars et celle qui a un peu moins de deux fois le Smig, fixé à 18.500 dinars.

Certes, c'est bien une affaire de «sous», mais le sujet étant important pour le ministre, qui joue pratiquement sa «tête» dans le programme qui a fait de lui un «héros» national, le logement par location-vente, une formule qui a fait également des malheureux, lequel ne veut pas dans le cas du logement promotionnel public s'engager plus qu'il n'en faut. C'est-à-dire que le gouvernement ne veut plus faire du «social» avec des recettes d'hydrocarbures à moins de 35 milliards de dollars fin 2015. La sortie du ministre en charge du secteur jeudi sur le versement de la seconde tranche du LPP, un engagement de un million de dinars fixe pour tous les souscripteurs, hormis les «recalés» de l'AADL qui ont été transférés vers cette formule, peut paraître étonnant, troublant, mais confirme que l'Etat n'a plus les moyens de faire face à certaines situations. Et Tebboune le dit lui-même, après le DG de l'ENPI, que les logements LPP s'intègrent dans une logique commerciale, et donc que dans cette formule le social est bien loin des préoccupations de l'Etat.

Pour autant, que le ministre intervienne directement dans ce dossier démontre sa position peu confortable sur un programme qui bat de l'aile. Parti sur un chiffre de 150.000 logements LPP, le ministère a revu à la baisse ses prévisions et durcit même les conditions financières d'accès à ce programme. En face, c'est l'étonnement d'une partie des souscripteurs qui s'estiment ainsi lésés par rapport à l'autre catégorie, celle versée «malgré elle» dans ce programme, qui avait prétendu dans un premier moment à un logement AADL. Et voilà comment au plus haut niveau du gouvernement, puisque apparemment c'est le ministre en charge de l'Habitat et de la Ville qui fait les «comptes», on arrive à créer une situation tout à fait ingérable socialement et productrice potentielle de désillusion. Pire, d'exacerbation de la crise sociale, une situation qui ouvre la voie à toutes les spéculations et qui fragilise là où il ne faut pas, le fragile équilibre social. D'autant que beaucoup de familles algériennes attendent énormément de ce programme sur lequel elles ont investi tout leur argent.

Alors, exiger des uns ce que l'on ne demande pas aux autres peut paraître maladroit, politiquement incorrect et dangereux. Même si, pour le moment, le logement en particulier et l'habitat en général sont devenus des secteurs à très haute valeur marchande. Pour tout le monde, les spéculateurs, les agents immobiliers comme les entreprises publiques dans un marché encore en friche.