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LE BICEPHALISME DEROUTANT

par M. Abdou BENABBOU

L'Algérie est un gros ballon gonflé flottant dans l'air et il suffit qu'il percute une épine pour qu'il éclate. La phrase n'est pas de l'épicier du coin mais d'un député FLN au garde-à-vous, docile avec une imperturbable discipline dans le soutien au programme du Président. Il ne fera sans doute jamais cet aveu s'il monte au perchoir de son auguste assemblée parce qu'il sera paré de son uniforme cravaté de farouche partisan d'un parti registre de commerce. Et le comble est qu'il ne s'en cache pas dans un cercle restreint pour bien signifier qu'il n'est pas dupe sachant que tout le monde savait que les acteurs politiques ont presque le devoir de la théâtralité des discours prêts-à-porter et que les électeurs ont longtemps compris qu'ils se nourrissaient des verbes vides. Le militant du grand compromis est convaincu que tant qu'à faire, ils se complaisent en se gavant des dits et leurs pratiques contraires pour justifier la terrifiante nonchalance nationale au nom d'une perverse paix sociale qui ne fait que différer l'embrasement.

Notre député n'est pas le seul à voguer sur ce chapitre avec un bicéphalisme déroutant. Mieux, aussitôt remerciés pour leur zèle et leur fidélité, dans les terrasses des cafés, ils sont en grand nombre à enfourcher la violence des diatribes les plus acerbes pour tirer sur le pouvoir et, pour avoir bonne conscience, certains vont jusqu'à se justifier en affirmant qu'ils n'étaient que des harkis du système.

Ils sont nombreux ces jetés du train, débarqués sans ménagements mais bardés avec une grasse retraite et de consistants dividendes immobiliers à fructifier à défaut d'une juste reconnaissance et l'inscription d'une honorabilité sur le fronton du pays.

C'est cette faune armée d'une gargantuesque cupidité qui a poussé l'Algérie dans le fossé. Voyous d'un genre particulier, ils ont confondu grandeur et compromission ne se rendant pas compte qu'ils ont hypothéqué l'avenir des générations futures et enterré celui de leurs propres enfants.

A quoi sert l'appropriation d'un château si son seigneur a son ombre comme fatidique ennemi jusqu'à être contraint de le transformer en bunker pour le protéger ? L'interrogation n'est pas non plus du laitier du coin, mais elle est une des rares sincérités d'un député mal assermenté.