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CEUX QUI SOUFFRENT EN SILENCE

par M. Abdou BENABBOU

Il n'y a pas plus dérangeant et plus incommodant que les langues transformées en machettes pour prétendre raser la complexité de la société. N'importe quoi et n'importe quel prétexte sont propices pour les aiguiser. Les nouvelles richesses douteusement façonnées ou à la limite qui n'ont pas le goût de la sueur rejoignent l'arrivisme langagier à la mode pour que l'on se permette de donner des leçons de vie. C'est connu. Ce sont parmi les plus privilégiés qui trouvent toujours à redire et s'accaparent au bord de leurs témoins de la richesse, la parole fétide pour dénigrer tout et n'importe quoi.

Il est vrai que l'existence de nos jours est pénible et difficile pour la majorité de la société qui a décidé de s'accrocher à l'honnêteté pour en faire une compagne inséparable. Aussi curieux et paradoxal que cela puisse paraître c'est l'infortuné père de famille, englouti dans sa douloureuse inaptitude à régler ses factures de gaz et d'électricité et aux prises avec l'indolence de ses baguettes de pain, qui a une juste maîtrise du temps. Il a souvent la pudeur du verbe et l'élégance du geste pour s'accommoder de son sort avec une magistrale dignité. Car à bien observer la détresse dans laquelle est empêtré le monde, la manifestation de l'humilité chez le démuni est un signe de grandeur et de maturité.

L'Algérie n'est pas rose, mais quand bien même de nombreux indicateurs pourraient annoncer un cataclysme, le ronchonnement répétitif et sans consistance intelligente a de quoi révolter ceux qui souffrent en silence. Ceux-là savent que pérorer sans cesse n'est qu'un défilé des verbes creux en total déphasage avec la déroute actuelle de l'Humanité. Partout dans le monde où on s'aventure à placer un œil le drame s'est installé. Des populations entières par millions chassées par la folie des hommes et se tenant le ventre creux errent sans réussir à échapper à une déchéance que l'espèce humaine a elle-même programmée.

Sa programmation est le fait de l'ancrage des assourdissants bavardages qui installent des vérités superficielles de toutes les classes politiques confondues.