Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Fin du programme Omega

par Yazid Alilat

En Afrique, l'Algérie a ouvert un nouveau front de coopération politique, économique et culturel. De lobbying également. Ce nouveau rapprochement avec le Sénégal est en lui-même une surprise. Le déplacement à Alger pour une visite de plusieurs jours du président Macky Sall, à Oran également où il a pris la mesure des grandes capacités algériennes de production de gaz dont le butane, une denrée rare au pays des Mourides, laisse visiblement transparaître un changement de cap de la diplomatie sénégalaise et, plus globalement, un nouveau repositionnement de ce pays africain sur beaucoup de questions continentales. A commencer par celles relatives à la coopération bilatérale et économique avec l'Algérie, laissées longtemps en veilleuse avec l'arrivée en 2000 d'Abdoulaye Wade, qui a été une déception pour la diplomatie algérienne et avait presque coupé les ponts avec Alger, préférant Rabat et son aventurisme politique dans la région maghrébine.

Realpolitik ou nécessité économique, le Sénégal d'aujourd'hui semble mieux percevoir les enjeux géopolitiques et économiques du moment, d'autant que l'axe Alger-Paris a été réanimé et revivifié depuis décembre 2012. Cette sérénité dans les relations entre l'Algérie et la France, avec ses profondeurs économiques, sociales et culturelles, ne pouvait ne pas affecter la vision des enjeux en Afrique que se font maintenant les politiques au Sénégal. L'appel du président du Sénégal aux investisseurs algériens à s'installer dans le pays dénote d'une nouvelle stratégie, d'une autre vision de la coopération du Sénégal avec l'Algérie. A un moment en fait où les crises politiques, sécuritaires et l'émergence soudaine de groupes terroristes et paramilitaires, dont certains sont armés et soutenus par des pays de la région, appellent à plus de coordination et de concertation au sein des organisations régionales et celle du continent, l'Union africaine.

Ce rapprochement entre l'Algérie et le Sénégal sonne, sur un autre registre beaucoup plus alarmant pour ceux qui refusent au peuple sahraoui son indépendance, le tocsin pour la politique hégémonique du Maroc dans la région. Car jusqu'à présent le Sénégal a été ?'bon élève'' de Paris sur cette question d'autodétermination refusée au Sahara Occidental et, sur cette base, le Makhzen a actionné sa machine de ?'bakchich'' sous forme d'investissements dans les services (téléphonie), banques et BTP au Sénégal. Le réchauffement des relations entre Alger et Dakar, un pays qui importe l'essentiel de sa consommation de produits énergétiques et industriels et qui doit sa survie économique grâce à l'Agence française de développement (AFD) et les aides directes de l'Elysée, est de nature à inquiéter les tenants de ?'la solution finale'' au Sahara Occidental.

A Alger, en tout cas, tout est mis en œuvre pour que le Sénégal puisse dorénavant agir de lui-même, penser à son développement, loin des pressions et des lobbies marocains. D'autant que cette politique négative et ruineuse a valu au Sénégal de passer au second rang au sein de l'Union africaine. La réunion dans les prochains jours de l'organisation à Addis-Abeba devrait confirmer le retour du Sénégal au sein de l'UA. Fin donc du programme Oméga et des velléités marocaines de division de l'Afrique.