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LA DAMNATION DU LIEVRE

par M. Saadoune

Un parti pour Ali Benflis ? L'idée, destinée sans doute à donner une «suite» pour ceux qui se sont

mobilisés durant la campagne présidentielle, laisse sceptique. Taleb Ibrahimi a cru pouvoir le faire après l'élection de 1999, cela n'a pas débouché sur quelque chose de bien significatif? En réalité, le cas Benflis illustre parfaitement la capacité du régime à créer l'illusion d'une possibilité alors que tout fonctionne en circuit fermé.

 Ali Benflis aura beau dénoncer la fraude, il aura contribué, une fois de plus, à donner un air de «compétitivité» dans un scrutin qui n'en comportait pas. On ne fera pas injure à Ali Benflis de le penser ignorant du fonctionnement du système. Mais sa décision d'entrer dans la compétition comporte une part de mystère. Car, l'expérience de 2004 était amplement suffisante pour démontrer qu'aucune garantie, formelle ou informelle, n'était de nature à aller contre un dispositif de reconduction déjà en place. La plus grande erreur d'Ali Benflis - à moins qu'il n'ait accepté dès le début d'être dans un jeu de rôle - est d'avoir pris l'engagement public d'être candidat à la présidence que Bouteflika soit de la partie ou non. C'était la seule chose qui intéressait le régime, l'assurance qu'Ali Benflis aille jusqu'au bout de l'opération. Il est, ainsi que l'on a noté ici (voir le Quotidien d'Oran du 4 mars dernier), le candidat du « service minimum», celui dont le pic d'importance s'arrête au moment de la fermeture des bureaux de vote.

 Intentionnellement ou non, Mme Louisa Hanoune l'aura conforté dans cette posture en faisant campagne contre lui. La dirigeante du PT ne se battait pas pour son propre drapeau mais pour celui de Bouteflika, décrété synonyme de stabilité. Elle fait preuve d'une sportivité apparente face au score ridicule qu'elle a obtenu. Les attaques virulentes du camp présidentiel, qui ont culminé avec l'accusation de «terrorisme» lancée par le président devant un ministre étranger et avec des dénonciations diffamatoires sur les TV offshore, ont œuvré à créer l'illusion qu'il existe un enjeu. Il n'y en avait pas. La réédition, avec une timide reconnaissance de l'ampleur de l'abstention, du scénario de 2004 en 2014 était totalement prévisible. Le fameux «dispositif» de la reconduction était visible. Les signaux patents d'une crise grave au sein du régime n'ouvraient pas un boulevard.

Dans l'incapacité de trancher, les tenants du régime ont choisi, comme ils l'ont toujours fait, de ne rien toucher. Ali Benflis a-t-il un avenir politique ? Oui, sans doute, peut-être? En réalité, c'est une fausse question. Une élection présidentielle ne se joue pas dans les cinquante jours d'avant le scrutin. Dans une démocratie, la préparation de la prochaine présidentielle aurait commencé le 18 avril, avec des équipes, des programmes, des accès aux médias et la possibilité d'entrer «librement» en contact avec la population. En clair, la capacité de faire de la politique, de mobiliser et d'organiser. Si cette possibilité n'est pas arrachée - le régime ne la concèdera pas -, on est continuellement dans un jeu fermé et biaisé. C'est à ce niveau que l'on peut parler de l'anti-modèle Benflis.

IL NE S'AGIT PAS DE METTRE EN DOUTE LA SINCERITE DE L'HOMME ET SA VOLONTE DE CHANGER. PAR CONTRE, ON PEUT S'ETONNER QU'UN HOMME DU «SERAIL» N'AIT PAS FINI PAR OBSERVER QUE LES DES ETAIENT PIPES. TANT QUE LE REGIME A ENCORE LA CAPACITE DE SUSCITER DES VOCATIONS DE «LIEVRE» ET DE FAIRE CROIRE A CERTAINS QUE LEUR «MOMENT EST VENU», IL SE DONNE LES MOYENS DE SAUVER LES APPARENCES. LE DISCOURS D'ALI BENFLIS ETAIT INDENIABLEMENT DEMOCRATIQUE AVEC UNE INSISTANCE MERITOIRE SUR LES LIBERTES. MAIS SA PARTICIPATION «INCONDITIONNELLE», AVEC UNE IMPOSSIBILITE DE DIRE «JE CESSE DE JOUER» QUAND LES CHOSES DEVIENNENT EVIDENTES, N'AURA PAS SERVI LA DEMOCRATIE. CAR DANS CETTE ELECTION LES AUTRES CANDIDATS ETAIENT DES COMPARSES, TANDIS QUE BENFLIS SERVAIT D'ALIBI.