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CHRONIQUE D'UN «PETIT JOUR»

par K. Selim

Aujourd'hui est jour d'élection. Ce n'est pas un grand jour de la démocratie, c'est une formalité qu'un régime vieillissant accomplit poussivement, dans la difficulté. La démocratie n'est pas une partie de poker où le pouvoir détient, seul et sans contradicteur, toutes les cartes pendant cinq ans et invite, pour la forme, les autres à jouer avec lui pendant 45 jours. Cela fait trop longtemps que ce simulacre dure pour que cela fasse illusion.

Le 17 ne sera pas un jour où les institutions se revitalisent par l'effet d'une nouvelle légitimation par le suffrage populaire. Ils ne sont pas nombreux les Algériens qui croient que les élections en Algérie servent à quelque chose. Et, si on ne triture pas, cela s'exprimera largement par un haut niveau d'abstention. Cette élection est cependant encore plus «spécifique » que d'habitude avec une présidence à vie qui s'installe sur fond de crise profonde du régime qui peut déboucher sur des dérapages regrettables. La campagne électorale est officiellement finie depuis le 13 avril, des chaînes de télévision «algériennes-étrangères » ont continué, de la pire des manières, à jeter de l'huile sur le feu, à braquer les Algériens contre d'autres Algériens.

A l'évidence, si ce 17 avril ne peut, structurellement, être un grand jour, certains s'échinent à en faire un très mauvais jour. Les journalistes algériens, qui n'ont pas réellement engagé une autoréflexion sur leur pratique depuis 20 ans, découvrent dans ces comportements anti-professionnels de chaînes offshore «agréées » une amplification caricaturale des dérives du métier. Et si une transition est souhaitée au plan politique, les médias devraient s'y inclure en faisant l'inventaire de leur pratique. Car ce qui s'offre n'a rien de réjouissant : on passe d'une connivence avec le pouvoir à une connivence cumulée avec l'argent et le pouvoir. Cela correspond à une évolution dégradée du régime et non à une accumulation positive au sein de la profession. Pour l'heure, il faut juste espérer que ces médias programmés à l'insulte et à la fabrication de la peur n'auront pas réussi à transmettre le venin de la haine qui ferait de cette journée sans relief un mauvais jour.

L'organisation de la «formalité » électorale n'a même pas permis d'engager l'ébauche d'un débat. Le quatrième mandat, par l'effet de sidération qu'il a provoqué, a tout supplanté. Il y avait pourtant, à travers l'intrusion dans le débat non électoral de personnalités et de partis, une forte mise en garde contre la perpétuation d'un statuquo intenable. Les ressources baissent, la population est plus nombreuse, la rente ne suffira plus. Il faut remettre le pays au travail et ce n'est pas une affaire technique. C'est une question politique. La légitimité et l'exemplarité de ceux qui exercent l'autorité n'est pas un détail. Elle est fondamentale. Remettre le pays au travail suppose que les dirigeants sont moralement aptes à le demander voire à l'exiger. Cela n'est pas possible dans un système rentier fondé sur une triche généralisée et, bien entendu, inégale.

LE PIRE DANS CE «PETIT JOUR » EST QUE LES TENANTS DE L'ORDRE ETABLI CROIENT QU'ILS ONT «MANDAT » POUR NE RIEN CHANGER. ON LES A ENTENDUS REJETER L'IDEE DE TRANSITION. ON LES ENTENDRA PLASTRONNER APRES LE 17. LES HOMMES DU POUVOIR SONT DANS UNE BULLE. ILS AGITENT INCONSIDEREMENT L'IDEE DU COMPLOT, ILS CHERCHENT MEME A FAIRE DU PRINTEMPS UN MOT REPOUSSOIR. ILS SERONT CE «18, RUE DE L'IMPASSE » DANS LAQUELLE ILS MAINTIENNENT L'ALGERIE FAUTE D'ECOUTER LES APPELS PRESSANTS AU CHANGEMENT. LE 17 EST UN PETIT JOUR. LE 18 SERA CELUI DE LA POURSUITE D'UNE CRISE SYSTEMIQUE QUI MINE LES FONDEMENTS DU PAYS. ET QUI EST BEAUCOUP PLUS SERIEUSE QUE LES MENACES EXTERIEURES QUI, ELLES, QUAND ELLES EXISTENT, JOUENT SUR LES FAIBLESSES INTERNES.