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UN DIALOGUE A DEUX VITESSES

par Yazid Alilat

Démocratie, terrorisme, immigration clandestine constituaient le menu du sommet des «5+5», cinq pays de la rive nord de la Méditerranée et cinq autres de la rive sud. Rien d'anormal ni de surprenant dans cet agenda, puisque c'est à peu près les mêmes soucis qui reviennent depuis l'instauration de ce dialogue entre la France, l'Espagne, l'Italie, le Portugal et Malte, d'un côté, et l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie, de l'autre.

Et cette fois-ci encore c'est la lutte contre le terrorisme et l'immigration clandestine qui sont au-devant des préoccupations des membres de ce forum bien particulier, même si accessoirement on donne aux pays du sud de la Méditerranée quelques «bonbons» du genre énergies nouvelles, co-développement et autres friandises socio-économiques pour les occuper et leur faire faire le sale boulot de la chasse aux immigrants clandestins, à verrouiller davantage leurs frontières au moment où les grands ensembles régionaux dans le monde s'ouvrent de plus en plus. Et puis, ce dialogue des 5+5 n'innove plus et n'a jamais pris en considération les intérêts réels des pays de la rive sud: développement social et économique équilibré et soutenu par les voisins du Nord, aide au développement sans contrepartie ni pression politique. Et, quand un ministre du Sud appelle ceux du Nord à envisager une meilleure circulation des biens et des personnes entre les deux rives, on arrive vite à la conclusion simple et logique que quelque part il y a des blocages, que ce type de rencontres organisées à grands frais n'a jamais résolus ni envisagé de résoudre.

Mieux, on en est venu à penser après le passage du «printemps arabe » que certains pays de la rive nord ont soutenu et appuyé militairement et financièrement, que dorénavant tout sera surveillé de près dans le pré carré sud de la Méditerranée. Faut-il dès lors blâmer le président tunisien Moncef Marzouki lorsqu'il déclare tout fier à La Valette que «pour la première fois de notre histoire, nous partageons les valeurs de la démocratie» ? La chute des dictateurs tunisien et libyen est une bonne chose pour la démocratie au Maghreb et les peuples libyen et tunisien. Pour autant, les coûts politiques et sociaux ainsi que les dommages collatéraux ne sont pas encore évalués, alors que la stabilité des deux pays est toujours mise entre parenthèses. De cela, de cette instabilité qui règne dans ces deux pays au moins traversés par le printemps arabe, les pays de la rive nord n'en ont cure. Même si le prix à payer de cette jeune démocratie que tout le monde appelait de ses voeux de ce côté-ci de la Méditerranée a un coût social et humain.

COMMENT EGALEMENT APPRECIER AINSI LES PROPOS DE CE MEME PRESIDENT MARZOUKI QUI AFFIRME QUE LES CHANGEMENTS EN COURS SUR LA RIVE SUD DE LA MEDITERRANEE «NE CONSTITUENT PAS UNE MENACE POUR L'EUROPE» ? EN FAIT, LE DIALOGUE DES «5+5» DOIT ETRE LUI SURTOUT «DEMOCRATISE» ET NE PLUS SE CONCEVOIR SELON L'ECHELLE DES VALEURS EUROPEENNES, MAIS PLUTOT PAR RAPPORT A UNE VISION REGIONALE COMMUNE DES DEFIS A AFFRONTER SUR LE FRONT DU CO-DEVELOPPEMENT ET DE L'INSTAURATION D'UN DIALOGUE A DOUBLE SENS, ET NON PAS A SENS UNIQUE TEL QU'IL EST CONÇU ACTUELLEMENT, ET SUR LA BASE DE LA STABILITE DES PAYS DE LA REGION. IL FAUT SURTOUT QUE LES PAYS DU SUD, QUI FOURNISSENT LE PETROLE, LE GAZ ET UNE MAIN-D'OEUVRE HAUTEMENT QUALIFIEE ET A BON MARCHE A L'ORIGINE DE LA PROSPERITE DES PAYS DU NORD DE LA MARE NOSTRUM, PARLENT EN PREMIER ET SOIENT ECOUTES PAR LEURS HOMOLOGUES DU NORD. SINON, LE SYSTEME DES «5+5» RESTERA TOUJOURS UN ARTIFICE DE PLUS AUX MAINS DES EUROPEENS.