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AUTORITAIRES ET PERVERS?

par K. Selim

Abdelhalim Khaddam, ex-grand ponte du régime syrien, où il a eu le«grade» de vice-président dans le système, celui-là même qui a dirigé le massacre de Hama en 1982, en appelle, de son exil européen doré, à une intervention militaire étrangère en Syrie. La boucle est ainsi bouclée. Ce sont les hommes du régime qui font le lit de l'intervention étrangère, qui en vivent, la souhaitent et la suscitent.

 Il faut savoir que l'opposition syrienne, dans son écrasante majorité, rejette, malgré la «victoire libyenne», l'idée d'une intervention militaire étrangère en Syrie. Cette opposition, qui s'organise de plus en plus autour de la figure très respectable du professeur Borhane Ghalioun, a posé trois principes pour la révolution : non à la violence, non au communautarisme et non à l'ingérence militaire étrangère. Cette opposition, qui exprime de manière authentique et sérieuse le sentiment de la population syrienne, demande un libre accès aux médias et aux organisations humanitaires. Elle demande une condamnation des atrocités et que le régime syrien soit déclaré illégitime.

 En dépit des «incitations», elle persiste à refuser toute intervention militaire étrangère, car consciente qu'elle est porteuse de très graves périls. L'étrange appel de Abdelhalim Khaddam, qui croit jouer sur du velours en se posant comme le défenseur des Syriens contre un régime qu'il a contribué à faire, est plus que douteux. Dans les milieux de l'opposition, où l'on considère Khaddam comme un individu peu recommandable et sans crédit aucun, cet appel est très suspect. «Abdelhalim Khaddam est soutenu par les Saoudiens et le choix du moment pour lancer l'appel à l'intervention militaire est intrigant», nous a déclaré un opposant du régime.

 L'appel intrigue d'autant qu'il survient au moment où l'opposition tente de mettre en place un grand conseil national pour essayer de parler d'une voix unie. L'appel de Khaddam tente ainsi de placer la Syrie sur un scénario libyen qui ne peut que susciter des divisions. Et servir d'ultime thème de propagande à un régime aux abois. L'ancien ponte de la dictature table sur le fait qu'un tel discours peut passer chez une partie des Syriens, qui considère que c'est la seule issue face à l'autisme absurde et sanglant du régime.

 Des membres de l'opposition pensent que Abdelhalim Khaddam est soutenu par les Saoudiens et qu'il sert leur agenda. Les Saoudiens ne parient pas, bien entendu, sur Khaddam qui n'a aucune chance d'être accepté par les Syriens. Mais ils semblent, selon nos interlocuteurs, lui donner la mission de susciter le maximum de division au sein de l'opposition et de briser le consensus, difficile et courageux, sur le refus de l'intervention militaire étrangère. Le jeu des Saoudiens est aisément explicable par ses intérêts dans la région et par son rôle dans la stratégie américaine. Mais le plus remarquable est de constater que ce sont les gens du régime syrien, au pouvoir ou en exil, qui sont prêts à jouer toutes les options, y compris la carte de l'intervention militaire étrangère pour se maintenir ou revenir au pouvoir.

 L'opposition syrienne est, dans sa diversité, l'incarnation d'une exigence irrépressible de liberté. Elle est également, dans des conditions terribles de répression, celle qui défend les intérêts présents et à venir de la nation syrienne. C'est ce qui fait sa grandeur.