![]() ![]() ![]() ![]() Un
déséquilibre commercial se creuse à l'échelle mondiale. Les excédents
commerciaux chinois préoccupent. à la fois par leur
importance et surtout par leur croissance rapide.
Jusque-là tout se passait comme si les Chinois, avec leurs excédents, acquerraient des bons du trésor américain pour permettre aux Américains de continuer à leur acheter leurs produits. Le retard technologique pris par la Chine est compensé par un avantage comparatif occidental : la compétitivité-prix des uns est pondérée par la compétitivité-qualité des autres. Au cours des années soixante-dix, ce rôle était tenu par le Japon et l'Allemagne qui avaient posé aux Etats-Unis un problème similaire. Deux crises pétrolières (1973, 1979) ont servi à étouffer une concurrence qui menaçait le commerce et la prospérité américaine. Intelligence commerciale chinoise Les Chinois accèdent directement aux consommateurs occidentaux en contournant leurs réseaux de distribution ce qui leur permet de conserver une part plus élevée de la valeur ajoutée générée en Chine, jusque-là capitalisée par les intermédiaires européens et américains. La Chine a développé une stratégie globale destinée au contrôle de l'ensemble des chaînes de valeur : de la production de matières premières au bas de filières en passant par le financement et le transport. Deux aspects cumulés ont alerté ses partenaires occidentaux : - D'une part, la maîtrise de domaines technologiques entiers jusque-là monopoles euro-américains au point de les dépasser. Le cas récent de DeepSeek en IA illustre cet aspect.(1) - D'autre part, la conquête économique, diplomatique, géopolitique des marchés périphériques. Petits colis, grands problèmes Exemple symptomatique, les importations françaises et européennes par petits colis qui bénéficient exonérés de taxe douanière depuis 2010 dans la limite d'une valeur de 150 euros. Quelque 4,6 milliards d'envois d'une valeur inférieure à 150 euros sont entrés sur le marché européen en 2024, soit plus de 145 chaque seconde. Sur ce total, 91% provenaient de Chine. Soit 2 fois plus qu'en 2023 et 3 fois plus qu'en 2022. (AFP, mardi 29 avril 2025) Des centaines de gros porteurs venus d'Asie (600, selon le député François Ruffin) atterrissent chaque nuit, chargés de produits destinés aux consommateurs européens. Pour la seule France, 800 millions de colis (sur un total de 1,5 milliard de colis). 1 colis sur 5 distribué par la poste provient de Shein et Temu (moins de 5% il y a 5 ans) Valeur des dépenses françaises liées à ce commerce : 4.8 Md sur les sites Shein et Temu. Si on y ajoute Amazon, cela représente un quart des ventes de mode en ligne en France. Explication : - Articles de qualité modeste à très petits prix. - Très grande variété de référence (7 000 nouveaux articles chaque jour) - Marketing agressif, adapté de manière réactive et continue aux nouveaux comportements des consommateurs occidentaux en passant par les réseaux sociaux qui favorisent les achats compulsifs. - Consommateurs à revenus et à pouvoirs d'achat érodé par une politique de l'offre qui n'a jamais « ruisselée » et qui favorise le capital, peu le travail et les consommateurs (ménages de plus en plus nombreux qui croulent sous le surendettement) La Chine est devenue le premier vendeur de vêtement en France. 23 millions de Français ont acheté chinois. Conséquences : seulement 3% des bijoux et des vêtements achetés en France sont produits sur place. Les Européens craignent que la forte élévation des droits de douanes américaines sur les pays asiatiques, comme la Chine, le Vietnam... va générer du surstockage de produits en quête de nouveaux débouchés solvables. L'Europe s'attend à une arrivée massive de marchandises asiatiques. Pour contrer cette vague plusieurs réponses sont esquissées 1.- Le gouvernement français propose de mettre un terme à l'exonération douanière dont bénéficie ce commerce dès 2026, anticipant une réforme européenne d'Union douanière prévue en 2028.2 Ces produits ne paient pas de TVA, ce qui représente une sévère concurrence pour les distributeurs européens et un manque à gagner pour les budgets publics. 2.- Augmenter le contrôle sur la qualité des produits. 3.- Appel au « nationalisme » consumériste des Français. 4.- Sensibiliser les consommateurs aux conditions sociales, environnementales, politiques Les médias européens sont mobilisés pour attirer l'attention sur les « traitement infligés aux Ouighours », (« travail forcé » des populations musulmanes) en Chine. Les Ouighours que personne ne connaît et ne cherche à connaître. Une ironie charitable pour des musulmans chinois alors que souffle de plus en plus fort un vent islamophobe sur l'Europe. 5.- Le dénigrement des produits chinois. Illustration : « La fast fashion », c'est de la « dirty fashion » (la mode « sale »). Un article sur deux ne correspond pas à la description, à la photo, c'est une loterie. Ce n'est pas du prêt à porter, c'est du prêt à jeter » C'est en ces termes qu'un téléspectateur de Loches (Indre-et-Loire) bien sélectionné (sur LCI) pour dire aux consommateurs français le bon choix. Argument : Les produits français sont plus chers, mais dureront nettement plus longtemps. La fable habituelle : la qualité occidentale contre la quantité éphémère des pays-usines. 6.- Déshumanisation et destruction du commerce de proximité. Ainsi est dénoncée la multiplication d'armoires métalliques par Mondial Relay où sont placés les produits ainsi directement mis à la disposition de leurs destinataires. Résultat : 3 500 points de collecte sur 11 000 vont être supprimés par Mondial Relay et remplacés par des armoires placées dans des supermarchés ou loin des centres urbains. Le message : acheter européen car moins de ventes françaises, c'est moins d'activités et moins d'emplois. Le nationalisme des citoyens n'a aucun impact sur leur comportement économique. Ni sur les producteurs, ni sur les consommateurs. D'autant moins que la légitimité des autorités politiques est gravement entamée. La théorie économique libérale ignore délibérément cette dimension. Rien ne doit entraver la libre concurrence. Ni le politique, ni le religieux, ni la couleur de la peau Le marché met en en compétition des acteurs structurellement antagonistes. Les uns pour défendre leur pouvoir d'achat, les autres pour augmenter leurs profits. La créativité et innovation sont à ce prix. Principes fondateurs que les occidentaux sont en train de trahir. Les ont-ils honnêtement respectés un jour ? Leur credo : « Nous voulons bien jouer le jeu, à condition que nous gagnions à tous les coups » Attention cependant aux effets boomerang La Chine ne manque pas de moyens de rétorsion. Par exemple, des droits répercutés sur les exportations européennes : le cognac ou le porc. Le modèle qui a fonctionné pendant des décennies est en voie d'extinction : - d'un côté, une économie bas-de-gamme, à faibles à coûts sociaux, salariaux, environnementaux une main d'œuvre corvéable à merci, une réglementation très accommodante au besoin la protection de dictatures armées Avec en arrière-plan une OMC rénovée qui plonge ses racines dans un « consensus de Washington » reaganien ultraconservateur mis en œuvre sous le regard sourcilleux du FMI et de la Banque Mondiale. - De l'autre, une économie qui produits des biens à très haute valeur ajoutée qui permet de distribuer des revenus élevés aux hautes compétences et au capital. Une désindustrialisation planifiée pour réduire les coûts, désyndiquer les travailleurs, domestiquer les récalcitrants, déréglementer les pactes collectifs, privatiser à tour de bras, encourager les petites entreprises et démanteler les grandes, financiariser l'économie, favoriser le contrat au détriment de la loi, le profit contre le salaire, l'individuel contre le collectif, la capitalisation contre la répartition Entre les deux, une machinerie occidentale monopolistique bien huilée et bien maîtrisée (brevets, transports, finances ) qui va de la production à la consommation. Dans ce modèle, personne ne s'était plaint du « capitalisme de la transpiration ». Pour en avoir une idée, il serait bon de faire un tour au Bangladesh et visiter les usines textiles qui ont fait la fortune de nombreuses maisons qui ont pignon sur rue dans les grandes avenues européennes. Personne ne s'interroge sur l'origine des produits et sur les conditions de leur production. La Chine a cassé ce modèle et nous nous retrouvons avec des produits à haute valeur ajoutée pas chers. Et aussi des usines à intensité capitalistique élevée, des ateliers flexibles robotisés qui fabriquent des produits à la portée de toutes les bourses. Le problème est que les pays occidentaux accumulent un retard qui devient de plus en plus irrattrapable. Notes 1- Lire. Abdelhak Benelhadj : « DeepSeek et la guerre sino-américaine ». Le Quotidien d'Oran, 30 janvier 2025) 2- En attendant, pour limiter cet afflux, le gouvernement français propose de faire payer des «frais de gestion»sur chaque petit colis entrant en Europe.Cette annonce a été saluée par la Fédération du commerce en ligne et de la vente à distance (Fevad). « Au-delà des intentions et des mots, nous avons besoin d'actions rapides et concrètes » et « il faut que les avantages injustifiés dont bénéficient les sites asiatiques soient supprimés en urgence et que l'Europe s'attaque à la stratégie de dumping que nous subissons ». (AFP, mardi 29 avril 2025). |
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