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A
propos du projet de Madame Benghebrit d'entamer les cours de la rentrée
prochaine avec comme support langagier la «darija» ou encore «l'arabe
dialectal» je souhaiterais émettre mon modeste avis que voici :
Mon point de vue est, me semble-t-il, d'autant plus audible que j'ai été moi-même enseignant dans le supérieur où j'ai enseigné durant onze années l'énergétique (machines tournantes, thermodynamique et mécanique des fluides). De guerre lasse j'ai dû remettre mon tablier car doucement et sûrement je me suis découvert embourbé dans un torrent de médiocrité où à l'évidence je ne servais plus à rien. Ce qui m'a décidé à prendre ma plume n'est pas tant la décision (ou proposition) de Madame Benghebrit à reformer l'enseignement mais bien son traitement par des journalistes aguerris comme ceux? d'un journal d'audience nationale voulu ou considéré comme perspicace. Que messieurs vos journalistes ne croient pas qu'ils sont pris à partie, là n'est pas notre objectif ! Mais qu'un journal théoriquement vigilant et servant de référence parle allègrement de darija et d'arabe dialectal fait directement le jeu des islamo-baathistes et autres conservateurs de tous poils toujours en embuscade et qui n'ont que la haine et l'obscurantisme comme programme ! Que je m'explique et que je fasse un peu de pédagogie de base (quoi de plus normal pour un ex enseignant?). Allons-y donc : En Espagne on parle l'espagnol comme en France on parle le français? Déduction logique ; la «darija» serait normalement pratiquée en? Darijie, pays dont je ne vois nullement l'emplacement sur la vaste mappemonde. La darija serait logiquement usitée par des darijiens, ces citoyens de la Darijie? tout ceci pour souligner le ridicule d'une situation qui n'existe que dans ce pays. Or ce pays ayant pour nom l'Algérie, on y parle l'algérien, cette langue très alerte et vive qui s'adapte à toutes les situations. Cette langue hypervivante bien que mortellement combattue par une arrière-garde opportuniste continue à se gausser de leur pédantisme importé et à occuper avec une facilité déconcertante tous les coins et recoins de la société algérienne. Cette langue qu'on présente avec beaucoup de morgue comme darija (comprendre un sous produit dérivé) est une langue qui dérange parce qu'elle est directe, colorée et qui, surtout, dit vrai. Elle se prête très mal à la langue de bois comme cette lumineuse langue dite fous'ha (ou encore el lougha el watania). Il ne subsistait que la pratique du coup bas : la qualifier de pidgin?une forme de sabir créole? Et ça marche ! Que je dise un mot sur cette lougha el watania. Cette langue n'est dans ce pays que par un jeu d'influence entre islamo-baathistes et des courants pseudo modernistes et dont les origines remontent aux années 1958 sinon bien avant? pour de sombre histoire de leadership ! Cette langue qui est présentée comme unificatrice et purificatrice ( fous'ha n'est-ce pas ?) n'est là que parce l'Algérien a la haine de soi ! Cette haine de soi n'est ni spontanée ni récente - Oh, que non- ; elle est l'aboutissement de 45 années de culpabilisation et de manipulation non innocentes des mentalités. Mais l'évidence est là, toute cruelle : après 45 années de lougha watania effrénée et malgré les crédits faramineux alloués pour levantiniser les esprits, les Algériens continuent mordicus à jacter l'algérien? Les ingrats ! Je vous fous mon billet que dans cinquante ans les Algériens continueront à parler algérien? pardon darija, n'en déplaise à ceux qui ont fait du grenouillage des consciences un fonds de commerce fort rémunérateur. Si la colonisation avait été combattue avec el lougha el watania, elle serait probablement toujours parmi nous. Imaginez les moudjahidine en plein djebel en train de se quereller pour trouver la juste terminologie avant de passer à l'attaque, en menaçant l'ennemi avec el fous'ha... Trêve de plaisanterie ! mais il me semble que le pays soit dangereusement abîmé sans qu'on vienne encore à sacrifier des générations entières avec l'usage sournois d'el lougha el watania ! Où voyez-vous un mécanicien automobile, un plombier algérien, un pharmacien, un technicien des paraboles parler lougha el fous'ha ? Allons donc, un peu de sérieux et soyons nous-mêmes ! Sachez qu'au Maroc les enseignants parlent le?marocain. Idem pour le tunisien en Tunisie. Il n'y a que sur cette terre qu'on a décidé d'être plus arabe que les Arabes et d'imposer une langue qui n'a aucune assise historique et que ses défenseurs les plus zélés oublient d'utiliser en privé! Qu'on me cite quelque chose de notablement positif survenu dans le sillage du panarabisme dévoyé ? Dieu du ciel qui verra à temps le niveau de délabrement de cette nation ? Pire et à l'usage il s'avère que la langue française est encore là par besoin et ce malgré l'acharnement mis à la torpiller? Chassée par la grande porte elle revient par les toits? Pourquoi ? Tout bête ; elle a un ancrage historique réel même si elle est la langue du colonisateur. Le dire n'est ni un mensonge ni une forme de complexe d'infériorité? Il est temps, à l'instar de Madame Benghebrit, d'avoir le courage de nous regarder en face et de redécouvrir notre algérianité et notre maghrébinité pour que cesse d'être cette terre un terrain d'expérimentation pour apprentis sorciers. Il n'en demeure pas évident que toucher à la fous'ha c'est piétiner quelques plate-bandes juteuses comme les innombrables professions touchant de près ou de loin aux «métiers» de la foi! L'aboutissement de la fous'ha, après les inévitables congélations des énergies, et la propagation tous azimuts des haines, est la demande de décapitation publique de Kamal Daoud et les carnages de Ghardaïa sur fond de rejet de l'autre! En fait el fous'ha connaîtra le sort de l'espéranto? vous savez cette langue du doctor espéranto, conçue à la fin du XIXe siècle dans le but de faciliter la communication entre personnes de langues différentes. Elle devait unifier?pas moins de 120 pays de langues différentes ! C'est dire la générosité et l'ambition d'un projet qui connaîtra un flop retentissant ! Il n'en demeure pas moins que l'arabe algérien devrait être confié à des linguistes (algériens ! de grâce !) pour sa codification et sa fortification. Pour le reste nous continuerons à glisser vers le bas? C'est notre sort ! Madame Benghebrit tombera car c'est dans la nature de ce régime d'opérer des reculs face aux lobbies obscurantistes. Elle cumule trop de handicaps : c'est une femme? compétente à l'évidence, travailleuse, belle, non enhidjabisée? n'en jetez plus ! Même Mostefa Lacheraf, immense intellectuel compagnon de cellule de Boudiaf, Aït Ahmed et Krim, a été déculotté pour moins que ça alors même qu'il était ministre sous l'autorité d'un autocrate au pouvoir sans partage ! L'Histoire retiendra que Madame Benghebrit aura tenté quelque chose de sain pour l'éducation de nos enfants? Le pays ira?irait peut-être mieux quand on aura une Benghebrit à sa tête, mais là est déjà un autre débat? * Retraité ayant perdu toutes ses illusions - Aïn-Témouchent |
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