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Depuis son indépendance,
l'Algérie a consacré énormément d'efforts financiers pour asseoir sa stratégie
économique en investissant la rente pétrolière essentiellement dans le
développement industriel. Cette stratégie a malheureusement montré au fil du
temps sa vulnérabilité face aux aléas du marché et aux caprices de la
géopolitique.
Par ailleurs, il faut reconnaître que les gouvernements qui se sont succédé n'ont pas lésiné sur les moyens pour accomplir des exploits en matière de pénétration de l'électricité et du gaz dans le foyer algérien, souvent au mépris des simples règles de la rentabilité économique, convaincus de la nécessité de faire profiter le peuple de la rente pétrolière et d'apporter le bien-être à une population ayant tant souffert de l'injustice d'un occupant particulièrement cruel. Dans une démarche animée par une conviction qualifiée de « socialiste », les indicateurs n'ont cessé de clignoter signalant une situation chaotique imminente et appelant à un retour urgent à la raison, au bon sens et à la rationalité économique. En effet, le constat est établi : le gaspillage et l'inefficacité dans l'utilisation des ressources humaines et financières ont accompagné les différentes révolutions touchant le secteur industriel, agricole et même culturel qui a donné naissance à un profil type d'un algérien rentier profitant d'un large filet social pour en faire un business illégal et frauduleux. A la suite d'une prise de conscience relativement tardive de nos insuffisances, des mesures correctives, tendant à aplatir les courbes et les chiffres de consommation qui se sont affolés, ont été engagées par les instances concernées. L'«APRUE» l'agence algérienne de la maîtrise de l'énergie, une institution largement sous-dimensionnée, durant les vingt dernières années, a tenté d'entreprendre quelques actions ponctuelles qui se sont diluées très vite dans un amas d'incohérences dans la stratégie énergétique, catapultant le pays vers les intensités énergétiques des plus élevées dans le bassin méditerranéen. En effet, lorsque la Tunisie se distinguait entre 2000 et 2010 par un recul net de 3%/an de l'intensité énergétique, l'Algérie accusait par contre une «aggravation» de cette dernière de 2%/an. Pour rappel, l'intensité énergétique est le ratio de l'énergie nécessaire pour produire une unité de PIB. Une situation énergétique difficile, aggravée par un effondrement du prix du baril, a impulsé, lors d'un sursaut momentané, la volonté d'engager un grand projet solaire de 22.000 mégawatts attestant de la nature prioritaire de l'action. Le fait est qu'après plus de 7 ans le projet est resté au stade d'ambition, ceci malgré les efforts consentis par les opérateurs économiques à s'organiser et à développer leurs capacités techniques et financières au profit du rêve algérien. Ce dernier, tournant vite au cauchemar, a contraint la plupart des investisseurs à décrocher, malgré le potentiel énorme du pays en matière de ressources renouvelables. D'un tarif préférentiel illusoire, faisant malgré tout l'objet d'un arrêté du ministère de l'Energie le 02 février 2014, aux appels d'offres extrêmement complexes et décourageants (décret N° 17-08 du 26 février 2017), le secteur de l'énergie a tout simplement mis en exergue le manque de visibilité de sa stratégie et l'instabilité juridique des outils de sa mise en œuvre. En conclusion, la démarche tant glorifiée par les instances en place a donné lieu à quelque 500 MW après plus de deux décennies de cogitation. Durant l'été 2016, l'occasion nous a été offerte pour expliquer lors d'une rencontre publique (propos repris par les médias écrits) que la réussite de la transition énergétique de notre pays repose sur quatre piliers. ? Un système d'information et de communication hautement intégré dans le tissu industriel et des autres services communs ; ? Une Recherche et Développement efficace et orientée devant permettre le développement des débouchés à très haute valeur ajoutée pour nos ressources gazières; ? Une stratégie de maîtrise de l'énergie finement élaborée axée sur la mise à niveau des installations industriels, le transport et l'efficacité énergétique dans le bâtiment notamment par l'usage des matériaux et ressources disponibles localement à l'instar de la diatomite comme isolant hygrothermique à haute performance ; ? Et enfin un «plan Marshall» pour le développement des Energies Renouvelables. Des scénarios et des chiffres ont été exposés à l'occasion ouvrant de grandes perspectives notamment à la filière hydrogène vert. Récemment, la volonté de bâtir une Algérie nouvelle s'est concrétisée, entre autres, par la création d'un ministère dédié à la transition énergétique. En théorie, la volonté politique veut consacrer plus d'efforts et exprimer plus de volonté pour engager sérieusement cette «transition énergétique» tant souhaitée. La question qui s'impose de façon pratique et réaliste, dans un moment qualifié de difficile, est quels sont les indicateurs permettant de certifier de cette volonté ? ? S'agit-il de la mise en place d'un ministère (qui peine d'ailleurs à se structurer par manque de moyens financiers et humains) fort et doté de tous les outils pour concrétiser cette stratégie ? ? S'agit-il de faire face à un dilemme «gaz contre soleil» dans un moment où les réserves s'amenuisent et où la consommation domestique absorbe la moitié de la production commercialisable d'hydrocarbures ? ? Ou encore, s'agit-il de promouvoir les énergies alternatives face à une concurrence déloyale en faveur d'un gaz subventionné au détriment d'un développement plus durable. En effet, si l'on démontre par ailleurs que l'électricité photovoltaïque devient plus attractive que l'électricité d'origine thermique, cette hypothèse est certainement mise en défaut dans le contexte algérien. Malheureusement, force est de constater que la loi de finance 2021 se positionne de façon opposée aux recommandations et suggestions, puisque les budgets les plus faibles ont été octroyés aux télécoms, les statistiques et la numérisation. Par ailleurs, les rapports transmis par les médias ont omis de préciser le budget du ministère de la transition énergétique en le qualifiant de dérisoire. Pendant ce temps, à quelques centaines de kilomètres de la capitale algérienne, Tunis, après avoir réussi la maîtrise de son intensité énergétique, met en place des microcrédits au profit des agriculteurs voulant utiliser l'énergie solaire. Enda Tamweel, première institution de microfinance du pays, lance le produit « Eco-Chams », une ligne de crédit dédiée à l'instauration de dispositifs en faveur de la transition énergétique des micro-entrepreneurs agricoles. Lancé dans les régions du sud tunisien et touchant particulièrement la culture des palmiers dattiers, le dispositif « Eco-Chams » s'élargit à d'autres régions et inclut de nouvelles activités. A pas fermes et déterminés, la Tunisie, malgré les difficultés financières, se fraie un chemin vers un mix énergétique viable et soutenable dans un contexte nécessitant une rupture totale avec les pratiques des temps anciens. *Professeur spécialiste des questions énergétiques à l'université de Tlemcen |