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La libéralisation du secteur audiovisuel était devenue la ritournelle des décideurs qui ne se sont jamais départis du monopole de l'Etat sur la radio et la télévision. Longtemps renvoyé aux calendes grecques, le projet d'ouverture au privé des radios et télévision sort enfin des oubliettes. Les députés de l'APN viennent d'entamer l'examen du projet de loi sur l'audiovisuel. Le vote du texte est annoncé pour le 20 janvier. Enfin ! On avait tellement glosé sur les réformes médiatiques ces dernières années que l'on commençait à ne plus y croire. Au terme de longues hésitations, et après un dernier happening international (organisé par le ministère de la communication à Djenane El Mithak), en décembre 2012, le texte fut inscrit à l'ordre du jour des travaux du parlement. On peut légitimement s'interroger sur ce réveil tardif et sur ces gesticulations politiciennes qui ont pris tant de temps. Tout comme on peut se questionner sur la réelle volonté des pouvoirs publics de libérer un secteur, trop longtemps monopole exclusif de l'Etat. Pour autant que nous puissions interpréter les dernières et rassurantes déclarations (mais oh combien sibyllines !) de l'actuel ministre de la communication, M. Abdelkader Messahel (à la chaîne 3 et à Echourouk), on peut penser que le projet de loi, en débat depuis deux mois au parlement, constitue un prélude à un grand chambardement dans l'audiovisuel en Algérie. Mais on peut aussi bien, constatant la survivance d'un système fondé sur la pensée unique et le contrôle absolu, se dire sceptique. En focalisant l'attention sur les aspects thématiques ou généralistes des futures chaînes privées, ne met-on pas en veilleuse les véritables débat sur les chapitres essentiels de cette nouvelle mouture du projet sujette à interrogations ? Certes, le projet de loi en question n'a pas été improvisé. Mais, a-t-il fait l'objet d'une large consultation, avec au moins les principaux concernés ? Convoqués pour donner leurs avis sur la pré-mouture concoctée au siège du ministère de la communication, les spécialistes et les experts étaient en nombre très réduits et pour la plupart appartenant au sérail. Par ailleurs, la loi organique de l'information, préalablement agrée, fixait à l'avance les balises. Ainsi, la question qui se pose est celle de savoir si le pouvoir politique qui s'ingère partout et en tout domaine, est disposé à laisser la communication audiovisuelle échapper à son emprise ? Que dire de cet avant-projet de texte de loi ? Est-il en mesure de dépoussiérer et de remodeler radicalement notre paysage audiovisuel ? Est-il conforme à l'élan démocratique en gestation sous d'autres cieux ? Va ?t-il préciser les libertés ou au contraire, comme le prétendent certains, fixer les limites de l'activité ? Certes, la démocratisation du secteur est à double tranchant. Elle peut aussi bien renouveler la communication dans son essence que la piéger dans sa forme. Ce qui importe en fait, ce n'est pas une loi supplémentaire qui balise. Il en existe suffisamment dans notre pays, mais plutôt l'esprit dans lequel elle est appliquée et qu'il faut transformer. En fait, pour l'heure, rien n'est joué. Les non-dits, tout autant que les silences que se sont imposés la classe politique et certains professionnels aguerris, incitent à la plus grande prudence. Ce projet d'ouverture constitue un sérieux défi à relever, en raison non seulement des enjeux sociopolitiques trop souvent méconnus mais aussi en raison des pratiques démocratiques propres à en assurer l'exercice. L'avènement d'une ère nouvelle audiovisuelle, après une chape de plomb qui aura duré plus d'un demi-siècle, incite à la plus grande circonspection, car nos médias, mis sous séquestre, quasiment depuis l'indépendance, risquent de tomber sous de nouvelles tutelles. Cela-dit, prétendre que «l'ouverture ne profitera qu'aux mafieux et aux véreux» me semble être un abus de langage. «UNE OUVERTURE AUSSI INDISPENSABLE QU'IRREVERSIBLE». (A. MESSAHEL) L'autre question qui se pose est celle de s'interroger sur la capacité des institutions en charge de la communication à assumer la cohésion du discours. Il n'est pas toujours aisé de passer de l'opacité à la transparence et encore moins du plus profond immobilisme au libre exercice de l'information. Il nous faut également signaler l'absence des principaux acteurs sociaux impliqués, des spécialistes et des praticiens, qui auraient pu enrichir les échanges, les analyses et les réflexions, avant que le texte ne soit proposé aux parlementaires. Cette disposition prévue par l'ex-ministre Nacer Mehal a finalement été abandonnée. Prise dans l'engrenage, la corporation, aujourd'hui dans un état d'atomisation sociale et de ghettoïsation politique, se trouve face à un cul de sac. Elle ne peut bouder un texte sensé fonder la liberté d'expression, même si elle est objectivement incapable d'imposer son point de vue. La croissance anarchique et l'expansion des médias sous d'autres cieux, devrait nous inciter à la plus grande vigilance. Le projet soumis au Parlement épouse certes, les contours des textes des pays où règne l'Etat de droit. Cependant, nous ne sommes pas tout à fait dans la même configuration. L'adoption de lois de protection et la mise sur pied de commission visant au respect des libertés et à l'exercice de ces dernières, n'ont pas empêché les grands écarts perceptibles entre le discours démocratique et les pratiques institutionnelles. Libérer l'audiovisuel revient à respecter les libertés et l'exercice de ces dernières. Le projet de réforme n'est qu'un projet, innovant certes, en la matière, puisque pour la première fois un gouvernement accepte de se dessaisir de la tutelle en question pour la confier à une institution nouvelle chargée de la gérer. Il s'agit donc, pour les concepteurs de cette nouvelle loi, de libérer la communication audiovisuelle des pressions qui ont lourdement pesé sur elle dans le passé. Il s'agit aussi d'ouvrir de nouveaux espaces de liberté en éliminant les obstacles juridiques à même d'empêcher l'émancipation de l'information. Pour ce faire, une haute autorité, totalement indépendante du pouvoir politique, s'avère nécessaire. UNE INSTANCE DE REGULATION «INDEPENDANTE» DU POUVOIR POLITIQUE S'AVERE NECESSAIRE. Les pouvoirs publics le savent bien. A partir du moment où ces derniers décident d'instituer un organisme chargé d'exercer un magistère à la fois moral et réglementaire, ils se doivent de veiller à la composante de ses membres. Ces derniers ne doivent en aucune manière subir une quelconque allégeance. Les membres de l'instance de régulation devraient faire l'objet d'un consensus, tout comme la désignation de son futur président. Une autorité indépendante de régulation (suffisamment indépendante pour supporter les bouleversements politiques et les fluctuations idéologiques) et une corporation soudée, peuvent veiller par le biais des cahiers de charges, au respect de la future loi qui consacrera l'ouverture de l'audiovisuel. Les professionnels des médias se doivent de faire preuve de la plus grande vigilance afin d'éviter de se laisser abuser. La prudence est aussi de mise sur les registres tel celui des quotas institutionnels dans la constitution de l'instance de régulation, ou encore celui du parachutage de personnes liges au dernier moment. La prolifération anarchique des radios et télés privées et l'intrusion de capitaux douteux dans le nouveau paysage audiovisuel algérien constituent aussi un risque majeur et un grave danger contre lequel il faut se prémunir. Les citoyens n'apprécieraient guère des opérateurs privés à la solde des pays étrangers. Il faut également barrer la route aux milliardaires tentés par la constitution de groupes puissants constitués de leurs familles et de leurs progénitures comme partenaires stratégiques. Question lancinante : comment un texte, avant même d'être adopté par le parlement, arrive-t-il à susciter le désaveu chez certains qui le trouvent ambigu, voire incohérent, et l'inquiétude chez d'autres, suspicieux qui rejette à priori toute ouverture diligentée par les pouvoirs publics ? En fait, et nous avons eu à le constater, toute politique de réforme se heurte irrémédiablement aux pesanteurs de l'environnement politique et à la lourdeur des mécanismes institutionnels. La fameuse « Directive » au temps de Chadli et « L'Imprimatur » au temps d'Abdeslam, ont laissé de tristes souvenirs. Espérons que ces pratiques occultes du pouvoir font partie du passé. Espérons que 2014 soit consacrée année de la libération des ondes et de la multiplication des canaux d'expression libres. Le texte de loi sera sans nul doute adapté au Parlement. Il arrive certes, un peu tard compte-tenu des milliers de chaînes et de services proposés via le satellite, mais il va contribuer à changer notre paysage audiovisuel sclérosé. Il va même permettre au service public audiovisuel de se remettre en question. Les médias sont, qu'on le veuille ou non, le reflet d'un pays avec ses contradictions, son organisation et ses manières d'être. Si on veut que la télé, la radio, et la presse s'améliorent, il faut par conséquent, que le pays lui-même s'améliore. Notre pays ne s'améliorera pas par voie réglementaire et encore moins par décret. Notre audiovisuel aussi. Nos responsables politiques ne semblent pas avoir saisi l'importance et l'intérêt stratégique de l'audiovisuel et de la communication. Ils semblent n'avoir pas encore pris conscience de la mesure du danger qui nous guette, alors que nous sommes en permanence exposés à une concurrence exacerbée. Les ratés de la chaine nationale omniprésente et omnipotente constituent une alerte. Son redéploiement se fait attendre. Le retard pris à ce jour, a déjà produit des effets pervers difficiles à réparer chez la jeune génération. Malgré cela, gouvernement après gouvernement, le discours de base ne change pas. Modifier le cours des choses ne passera ni par un changement de DG, ni par un changement de ministre de la communication, ni par de nouvelles lois, mais par la rigueur, le professionnalisme, la conscience, la lucidité et le sérieux. Ce qui importe, c'est une pratique quotidienne responsable de la part des gens qui font la radio et la télé, directeurs compris, avec l'adhésion des professionnels à un certain nombre de règles que chacun doit s'imposer et qui relèvent de la morale personnelle. Le temps est venu d'un véritable sursaut de notre chaine unique et de ses clones, avant l'avènement des chaînes privées. Son indépendance par rapport au pouvoir exécutif et donc au pouvoir politique est un élément incontournable si l'on veut la sortir de l'ornière où elle se trouve. |
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