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«Perte d’argent, perte légère; perte d’honneur, grosse perte; perte de courage, perte irréparable» J. W. V. Goethe (1) La crise financière qui frappe l’économie mondiale depuis plus d’un an et que les Américains ont sciemment retardée commence à se transformer en crise économique. Elle sera certainement une crise économique sans égal comme elle l’a été en tant que crise financière et ne manquera pas d’entraîner sur son passage des entreprises aux noms aussi prestigieux que celles qui sont déjà tombées. La crise économique commence à toucher, a priori, des sociétés dont la concentration capitalistique est étroitement liée ou pénalisée par les difficultés du système bancaire et financier international. Mais elle ne manquera pas de s’étendre pour toucher les entreprises industrielles à forte concentration technologique et humaine car il y a tellement d’interdépendance entre ces entités que l’on peut affirmer sans ambiguïté que l’ampleur de la «casse» sera terrible. Le hic est que les pouvoirs publics et les autorités monétaires du monde entier essayent en vain et tentent sans trop de succès de circonscrire les flammes de cet incendie économique sans précédent via des actions qui ne sont pas toujours dans le sens positif et objectif. Ils essayent de déployer des efforts en rapport avec l’ampleur de la crise et de mobiliser des moyens en conséquence et à la mesure du péril. Des actions que tout le monde ne partage pas! Des actions parfois qui vont à contresens de la logique! Des actions parfois en total décalage par rapport aux principes du marché et du libéralisme! Loin du parti pris comme le font ceux qui ridiculisent les efforts des gouvernements parce qu’ils font de l’opposition pour l’opposition, loin des précipitations engendrées par les chutes périodiques et perpétuelles des cours des bourses et les baisses des valeurs des actions des entreprises, loin des discours alarmistes que les politiciens utilisent comme fonds de commerce pour drainer la sympathie et les voix des électeurs, nous allons à travers cet essai tenter de répondre à des questions ayant trait aux solutions préconisées et aux actions menées jusqu’à présent à travers le monde pour faire face à cette débâcle inouïe des marchés longtemps loués par le monde libre et moins libre!!! En premier, il y a lieu de donner des réponses aux contribuables qui ne comprennent pas des attitudes inhabituelles, un silence bizarre, des réactions louches et passives, des remèdes préjudiciables et pour le moins surprenants, notamment: pourquoi a-t-on attendu un an pour révéler les véritables contours de la crise des subprimes? Comment les subprimes ont-ils été dispersés à travers le monde sans aucun contrôle de risque? La crise financière pouvait-elle se contenter de la sphère financière? Pourquoi les pays du monde entier n’avaient-ils pas mené des actions harmonieuses en même temps et dans le même sens? Ensuite, il sera question de répondre à des interrogations qui concernent le degré d’efficacité des remèdes appliqués jusqu’à présent pour limiter les effets de la crise uniquement à la sphère financière, notamment: les pouvoirs publics et monétaires étaient-ils vraiment conscients de l’ampleur des dégâts? L’égoïsme caractérisant les réactions diverses et complètement disparates de la part de ces pays était-il nécessaire? Injecter des centaines de milliards dans un système complètement obsolète était-il vraiment la seule solution? Les milliards injectés ont-ils circonscrit le grave incendie économique mondial? Enfin, nous allons voir si d’autres solutions existent et peuvent être envisagées afin de redresser la situation et stopper cette hystérie des gouvernements et des pouvoirs monétaires mondiaux, notamment : les systèmes de contrôle des circuits de financements et des produits financiers ne seraient-ils pas une des solutions à envisager? Qu’en est-il des systèmes financiers et bancaires refuges? Ne serait-il pas plus rentable de créer de nouvelles banques étatiques ou mixtes saines et sans difficultés pour en faire des institutions refuges? Notons que la crise des subprimes a pointé son nez il y a plus d’un an lorsque la série de saisies et de ventes des propriétaires immobiliers américains avait commencé à défrayer la chronique américaine d’abord et mondiale ensuite. Pendant toute une année les autres pays du monde ne pouvaient lever le petit doigt pour dénoncer la totale ambiguïté dans laquelle les USA géraient la crise qui pourtant avait été endossée par presque l’ensemble des pays de la planète via les instruments de la finance moderne. L’illusion de pouvoir faire face aux pertes potentielles abyssales et astronomiques non mesurées et engendrées par la crise, doublée de l’arrogance et de la prétention des maîtres de la finance mondiale ont aggravé le pourrissement des titres déjà trop pourris détenus dans les portefeuilles des banques. Ils ont fortement amplifié l’angoisse et le manque de confiance des ménages et des particuliers dans tout le système bancaire et financier. Le premier et le principal argument avancé par les responsables monétaires et financiers américains n’est autre que leur crainte de causer une chute en cascade ou en dominos de l’ensemble des banques de dépôts. C’est-à-dire que le fait d’annoncer les pertes colossales que pouvait entraîner l’obsolescence des subprimes déjà largement diffusés à travers le monde n’aurait comme autre conséquence que la chute terrible de l’ensemble du système bancaire classique ou la faillite des banques de dépôts et de crédit. Jugeant, donc, cet éventuel aveu-déclaration comme une véritable bombe pouvant souffler tout le système économique américain et non seulement les banques d’affaires et les créateurs diffuseurs des subprimes, les responsables américains estimaient nécessaire de reporter le moment fatidique dans l’espoir de trouver une échappatoire moins coûteuse sans aucune consultation ni concertation mondiale. L’attente et le report continuel des autorités américaines sont considérés par certains, même à tort, comme volontaires et intentionnels dans le but de se débarrasser du maximum de titres toxiques et les disperser à travers le monde afin de minimiser les conséquences sur leurs investissements souvent nationaux et parfois personnels. Des déclarations indiscrètes, certes non vérifiées, mais tout aussi probables accusent des responsables de l’administration américaine d’avoir causé sciemment la faillite de tout le système pour profiter des conséquences de la crise sur leurs concurrents (Goldman Sachs VS Lehmann Brothers) (2). Mais l’ampleur des dégâts n’a pas manqué de pointer là où ils l’attendaient le moins: l’ensemble des entreprises cotées en bourse et non seulement les banques d’affaires et les systèmes de financement hypothécaire. Ensuite, les subprimes ont été confectionnés par des institutions de premier rang et des organismes dont la note était «A» sans aucune ambiguïté ni la moindre équivoque. Tous les détenteurs de ces titres ont été rassurés par les organismes et les agences de notation à qui personne ne demande, aujourd’hui, de rendre des comptes. Il y a encore un an, personne ne s’attendait à ce que ces titres deviennent creux et sans aucune valeur marchande. Pire encore, qu’ils seraient la principale cause de la chute la plus douloureuse du capitalisme et du libéralisme mondiale. Ceci a instauré un climat de confiance totale et, par conséquent, une vigilance minimale de tous les intervenants sur ces marchés pour ne pas dire une totale absence de mécanismes efficaces de contrôle. Les titres, ayant transité par des noms de renom, pris ou mis en pension par de «grosses pointures» de la finance mondiale qui font trembler les plus grands de ce monde, sont en fait traités sans trop de contrôle. Ceci a engendré un cumul irrationnel de confiance, une concentration subjective en quantité et en qualité de ces titres au sein des portefeuilles de banque et un transfert du risque d’institutions en institutions avec à chaque fois une perte de valeur et de qualité de la contrepartie. Au moment de l’éclatement de la bulle, tout ce portefeuille à la base classé hors bilans (risque potentiel ou de signature) est devenu réel (de contrepartie) et donc il a intégré les bilans des institutions et des banques détentrices. Ce qui signifie pour elle des provisions réglementaires, impossible à constituer au vu de l’ampleur du levier financier. Par ailleurs, la crise que tout le monde considère comme financière est venue en fait d’abord de la sphère réelle et devait y retourner parce qu’elle était la conséquence d’une surconsommation incontrôlée des ménages américains et autres européens. En effet, la société américaine à l’image de son gouvernement consommait au delà de ses capacités réelles appliquant la même philosophie que ses gouvernants, à savoir: le gouvernement américain dépense bien plus que ce qu’il produit (le dollar étant bien accepté par tous comme devise mondiale alors autant en imprimer et faire supporter le déficit aux autres) alors il serait possible que la société américaine en fasse autant et que la finance américaine se refinance chez les autres (des crédits pour rembourser d’autres crédits, des titres pour mobiliser des créances, les intérêts faisaient oublier le capital). Donc, on voit clairement que la crise est générée par la sphère réelle de l’endettement immobilier excessif et de la surconsommation des ménages, ensuite, elle s’est transformée en crise financière via les titres et les produits financiers. Ce qui nous laisse dire qu’elle va faire chemin inverse et retourner à la sphère réelle mais cette fois-ci l’effet de levier ne sera pas de la partie, ce sera plutôt l’effet de massue qui jouera pleinement (le boom et le contre-boom). Nous pouvons conclure que la crise financière ne pouvait pas se contenter uniquement de la sphère financière et les responsables politiques et financiers devraient le savoir. Il est également étonnant de voir à quel point l’égoïsme et les attitudes désolidarisées des pays dits développés ont été flagrants. Chaque Etat agissait en solo et dans le strict intérêt de ses institutions et de ses organismes occultant volontairement ou par ignorance l’interdépendance des acteurs du système financier et bancaire mondial. Chaque pays pensait qu’il pouvait sauver son économie et son système sans concession aucune ni de la part des USA ni de la part des autres pays. Aucune action commune n’a été menée après la révélation de l’inefficacité du plan Paulson et de son impuissance à circonscrire le feu. Les centaines de milliards que les Américains avaient injectés n’ont rien changé, alors la crise s’est accélérée car jugeant que les autres pays ne pouvaient faire mieux. Donc, cette attitude protectionniste et personnelle des Etats-nations fut catastrophique et a dénoté l’inexistence d’un système mondial proprement dit mais de plusieurs microsystèmes autonomes et totalement orientés vers l’intérêt de l’Etat-nation. Par ailleurs, les autorités monétaires et financières du monde entier n’étaient pas ou peu en mesure de prévoir l’ampleur des dégâts et le degré de dangerosité de ces titres surtout avec le flou entretenu par les grands groupes bancaires et financiers américains et du monde. D’autres institutions ont continué à investir dans ces titres après l’apparition des premiers symptômes de la crise à la fin de l’année 2007 et au début de l’année 2008. A l’instar de la Chine, des pays du Golfe, de certains pays européens et bien d’autres pays ont fait confiance au système bancaire et financier américain malgré les signes de faiblesse qui apparaissaient. Nul ne présageait une aussi spectaculaire chute du système financier le plus puissant au monde. Les premières réactions étaient plutôt timides et peu pragmatiques car orientées vers les aspects politiques. Aucune action d’ordre technique n’a été proposée par les autorités qui se contentaient de presser les responsables des banques et établissements financiers pour continuer à financer l’économie afin d’éviter une crise économique grave. La confiance dont jouissaient les banques en cause et les agences de notation, doublée d’une longue hésitation à révéler la taille réelle du trou. Ce qui a aggravé les conséquences et a rendu plus délicate toute solution pragmatique ou techniquement neutre. Les premières solutions annoncées étaient celles de mettre le système devant ses responsabilités et laisser faire les mécanismes et les automates du marché. Or, ce même marché avait des mécanismes et des automatismes tout à fait biaisés et faussés par les comportements souvent illégaux et belliqueux de certains de ses acteurs. Des responsabilités que personne n’était capable d’assumer ou de cerner et que chaque camp renvoyait à un autre. Donc, cette solution ne pouvait arrêter les pertes des épargnants et des institutions qui commençaient à devenir insupportables même pour les Etats-nations comme pour l’Islande. Ensuite, lorsque les autorités et les marchés ont mesuré l’ampleur des dégâts, l’effet dévastateur de la faillite de Lehmann Brothers et les premiers signes des difficultés de l’assureur AIG, ils se sont résolus à venir en aide au système en y injectant des sommes faramineuses en total décalage et déphasage aux principes élémentaires du marché libéral. Un geste qui ne pouvait rétablir cette fameuse confiance que les opérateurs in et out ont perdue vis-à-vis de tout ce beau monde. Donc, la solution n’a pas fonctionné longtemps et n’a pas épargné ni les bourses ni l’économie réelle des effets de la crise. Par ailleurs, une autre solution qui consistait à garantir les institutions du marché financier dans toutes leurs opérations de crédit vis-à-vis des entreprises et de garantir l’argent des déposants pour éviter les retraits massifs des populations. Or le principe même de l’activité financière qu’est la «confiance» est déjà remis en cause par la lenteur et les révélations scandaleuses faites progressivement quant aux chiffres réels des pertes. Donc, cette solution est également inefficace voire même inutile car elle ne pouvait convaincre les entreprises et les déposants du sérieux de ces institutions submergées par les subprimes. Enfin, un début de solution commence à voir le jour, au moment où l’ensemble des Etats-nations s’est résigné à agir solidairement et à adopter les mêmes solutions partout et de façon concertée. Mais, cette solution est venue après avoir constaté que des milliards de dollars étaient partis en fumée sans que la crise ne s’estompe. A présent, la crise est revenue à son fief initial, l’économie réelle, les contribuables de ces pays constatent avec amertume que leur argent n’a servi qu’à alimenter les spéculations et à enrichir davantage des acteurs doués en pareilles situations. Ils se demandent sûrement où sont passés les quelque trois mille milliards de dollars de la crise en ayant une pensée pour Lavoisier et sa célèbre règle : «rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme» et cherchent vainement la destination mystérieuse de ces milliards magiquement disparus (3). Nous voyons donc que les efforts des pouvoirs monétaires et publics n’ont rien changé à la réalité des choses. Le système excessivement libéral a engendré la crise, l’a entretenue, l’a transférée à la sphère réelle et a épongé les milliards injectés sans scrupule aucun. Le système qui échappait à la vigilance et au contrôle des régulateurs n’a pas manqué de démontrer le rôle ô combien nécessaire de l’Etat régulateur. Ceci nous pousse donc à imaginer les premières solutions: retour de l’Etat, contrôle renforcé du système, laisser fonctionner les mécanismes du marché sans interférence ni influence douteuse, laisser régénérer le système à chaque fin de cycle de vie. Pour ce qui est du contrôle renforcé du système, il doit concerner tous les acteurs quelles que soient leur taille, leur renommée et leur réputation. Des mécanismes objectifs applicables à l’ensemble des institutions et des personnes de préférence totalement automatisées et informatisées pour éliminer le facteur subjectivité ou mauvaise influence. Les opérations qui y transitent doivent être identifiées, retracées et quantifiées afin de les adosser à l’économie réelle et en mesurer les conséquences d’une éventuelle obsolescence. Pour ce qui est de la liberté de fonctionnement des marchés, elle ne doit en aucun cas être entravée par des agissements occultes émanant de centres d’influence et des sphères décisionnelles exogènes au marché. Car c’est ce genre d’interférence qui biaise les mécanismes de régulation et qui fausse les principes théoriques fort pertinents qui régissent ces marchés. Enfin, le respect du cycle de vie de chaque système et de chaque institution car il ne sert à rien de faire perpétuer des pratiques ou des noms qui sont dépassés par les systèmes. Une institution ou un système qui arrive à maturité et commence son déclin doit s’éclipser et laisser place à de nouveaux mécanismes et à de nouvelles créations capables de relever le défi et faire face à l’évolution. La création de nouvelles banques et de nouvelles sociétés d’assurance pour prendre le relais de celles qui ont fait faillite pendant la crise aurait été une meilleure solution. En effet, ces nouvelles institutions n’auront pas souffert du manque de confiance (nouvelles institutions), n’auront pas épongé des sommes faramineuses de façon douteuse et sans résultats (capitaux propres identifiés), auront servi de solution refuge pour les investisseurs et les épargnants (portefeuilles sains) et auront repris la place de celles qui sont disparues parce qu’elles ont mal agi. Ainsi, la dynamique et la traditionnelle règle de marché-arbitre auraient été perpétuées par le marché lui-même. Pour le cas de l’Algérie, une réflexion approfondie concernant son comportement économique et financier avant, pendant et après cette crise ne manquera pas de montrer les options et les solutions envisageables pour: D’abord, tenter d’empêcher que son épargne ne fonde sous l’effet des pertes de change (décalage entre monnaie d’exportation/réserve et monnaie d’importation). Ensuite, essayer de mesurer les conséquences apparentes et latentes sur l’avenir de la nation et de ces projets stratégiques (Projets sociaux et d’infrastructures qui s’étalent sur le moyen et long terme). Enfin, examiner les possibilités que cette crise offre à notre pays et les opportunités qui lui sont favorables afin de profiter de la dynamique de reconstruction surtout si nous croyons qu’après les crises il y a toujours les glorieuses. Ne dit-on pas, en tant que musulmans: après la difficulté, il y a l’aisance. Nous n’avons peut-être pas subi de pertes colossales mais nous n’avons pas non plus profité des occasions offertes par cet événement. Essayons de faire autrement après la crise et profiter de la période d’aisance qui va sûrement venir. * Cadre bancaire, Diplômé de l’ESB et de la SIBF Notes et références: 1- Johann Wolfgang von Goethe, philosophe, écrivain et savant allemand, 1749/1832 2- Voir le lien suivant: http://thinkprogress.org/2008/09/22/paulson-goldman-bailout Et le lien suivant: http://www.lefigaro.fr/societes/2008/09/30/04015-20080930ARTFIG00450-le-sauvetage-d-aig-aurait-arrange-goldman-sachs-.php 3- Antoine Laurent de Lavoisier, chimiste français, 1743/1794 |
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