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Sur la
reconsidération de la réglementation de l'Habilitation universitaire
J'en retiens qu'il s'agit dans cette décision moins d'une résolution étayée par un souci de rigueur ou de simplification académique que d'une volonté de réparation et de réaction morale aux conjonctures d'injustices créées par les différentes universités du pays. Injustices et tergiversations sur l'application de la réglementation soulignées par le ministre, lors de sa présentation des nouveaux décrets, devant la presse («Le Soir d'Algérie», 8 octobre 2017) auxquelles il y a lieu d'associer les constats d'incompétence et d'abus d'autorité. De fait, les services de divers vice-rectorats chargés de la post-graduation des universités se sont signalés par une impardonnable indigence dans leur lecture des textes pourtant explicites qui organisent l'Habilitation universitaire. Cette incompétence à lire et appliquer des textes officiels, le ministère ne l'ignore pas. Du reste, il en a été saisi directement dans de nombreuses plaintes adressées par les candidats. Dans plusieurs universités, des dossiers ont été, sciemment, bloqués par des abus d'autorité, des barrages du droit et des manœuvres rédhibitoires. Pour situer l'insanité systématique, citons la production d'un faux en écriture publique affranchi du sceau de l'université produit par un vice-recteur chargé de la post-graduation et de l'Habilitation universitaire de l'Université Constantine l - Mentouri (aujourd'hui mis au vert), l'exigence exprimée par l'université d'Oran 2-Ahmed Ben Bella de produire le relevé de notes du baccalauréat pour des candidats titulaires du doctorat. De ces turpitudes, le ministère a été saisi de nombreuses fois mais a été incapable, ainsi que sa direction de l'Habilitation universitaire, d'arbitrer et de faire valoir la règle de droit, fusse contre ses propres agents tel ce recteur qui prétend développer une gestion de l'Habilitation universitaire plus pertinente que celle émanant de sa tutelle et insulte, dans un écrit engageant sa fonction et l'institution qui l'emploie, la production de recherche des universitaires algériens. Il existe une règle d'impunité dans la gestion malheureuse des universités. Ainsi, le cas du précédent vice-recteur chargé de la post-graduation et de l'Habilitation universitaire de l'Université Constantine 1-Mentouri, auteur d'un faux en écriture publique pour empêcher le traitement par les instances scientifiques de faculté d'une candidature à l'habilitation, qui pourrait n'être inquiété par aucune mesure de droit ni d'action en justice. Cette impunité, le ministère ne doit pas l'ignorer. Le réaménagement des critères de validation de l'Habilitation universitaire, dont le mode de fonctionnement est probant dans l'accès au grade de professeur, exprime la manifeste désapprobation du ministre rapportée dans ses propos devant la presse, estimant le processus de l'Habilitation universitaire « lent » et objet de «nombreuses plaintes qui dénonçaient des dépassements et dont l'application diffère d'une université à une autre ». Dont nous prenons acte comme le commencement de la fin des chefferies sournoises de responsables besogneux et méprisants. Il est utile de rappeler les contours conceptuels et opératoires de l'Habilitation universitaire (ou Habilitation à diriger des recherches, HDR). L'Habilitation n'est pas un diplôme. Elle consacre, dans sa conception initiale, notamment en Europe, un processus d'exercice professionnel d'enseignant-chercheur, lié à la soutenance d'une thèse. Elle concerne souvent, pour le cas de l'Algérie, des enseignants qui totalisent de nombreuses années de travail (enseignement, recherche, encadrement de mémoires de licence et de master). C'est une qualification au grade de rang magistral, pour l'Algérie, celui de maître de conférences A. Il s'agit là d'un autre débat sur la restriction institutionnelle et politique de la qualité des titres et du mérite, en raison notamment de l'intronisation du LMD qui aura été une règle institutionnelle et académique de disqualification des anciennes générations de chercheurs et d'enseignants. On se retrouve, aujourd'hui, dans une parité absurde où un enseignant qui cumule vingt années de présence à l'université est dans la même posture de candidature, de titre et de statut qu'un jeune diplômé inexpérimenté du système LMD. La procédure institutionnelle de l'Habilitation universitaire repose sur un triptyque : plan de carrière, production pédagogique et production scientifique. La législation est précise et devrait faire l'économie des interférences subjectives et maladroites des gestionnaires des universités. Une Université pervertie par l'incompétence de ses responsables Si tant est que l'épreuve de l'Habilitation doive être assujettie à une exigence de production de recherche et de soutenance, cela ne pourrait que rehausser son exposition publique, son inclusion critique et sa validation scientifique. Malheureusement ces conditions saines et honorables n'existent que rarement dans l'Université algérienne où des responsables sans culture et sans humilité développent les pires outrances contre les codes de bienveillance, d'encouragement et d'accompagnement. Comment expliquer que des enseignants estimables qui auront partagé la vie de l'université, dix, vingt, trente années, particulièrement dans les moments atroces de ce pays, formé des centaines voire des milliers d'étudiants, accompagné l'initiation à la recherche, encadré, évalué, participé aux expertises, colloques et offres de formations se voient, lors de chaque transition dans la carrière, de l'Habilitation universitaire notamment, bafoués, humiliés et privés du moindre droit de recours ? Comment comprendre l'impassibilité de hauts responsables d'un ministère, voire de structures importantes de l'État algérien devant des manquements de haute gravité ? Comment comprendre le refus des instances du ministère de tutelle d'arbitrer, le déni du droit et l'atteinte à la dignité de l'enseignant, l'empêchement de l'accès à une candidature pourtant encadrée et conditionnée par maintes mises à l'épreuve ? Dans la pratique ordinaire des structures du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique tout semble fonctionner dans une conscience étriquée afin de conforter les niaiseries et l'ostracisme coupables des responsables dans chaque université et pour garder viables des systèmes d'alliance. Au prix de souffrances prescrites, de distorsion des arbitrages, du contournement de la règle de droit et de l'injustice proclamée. Les arbitrages que de nombreux enseignants réclament et attendent ne sont pas des actes de faveur. Mais de droit. Un droit éthique conféré aux enseignants-chercheurs en raison de leur attachement dévoué à l'Université. Un droit notoire qui doit être protégé pour les citoyens d'Algérie qui, chacun dans le ressort de ses espaces humain, géographique, social et professionnel, ont refusé de brader l'esprit de ce pays et continué l'œuvre ordinaire mais sacrée de leur engagement. Il est impératif de dénoncer le règne exécrable de responsables d'universités qui, dans leurs postures d'enseignants-chercheurs, n'ont rien produit et qui s'arrogent le pouvoir désobligeant de brimer des enseignants probes et d'attenter à leur dignité par des manœuvres viles. Il l'est tout autant de dénoncer l'accaparement de l'institution universitaire, la privatisation d'un haut lieu public et particulièrement l'absence affligeante d'arbitrage rigoureux et serein pour rétablir la règle de droit pour et contre chacun. Il existe une dimension aberrante pour les acteurs du champ universitaire, à l'exception notable de ceux cooptés par les réseaux de pouvoirs, de la confrontation aux exactions et à la caporalisation du travail universitaire. Dans les pratiques contradictoires, despotiques et dégradantes de nombreux responsables, les années investies dans le service public, l'intégrité, la notoriété acquise dans les charges pédagogiques et de recherche sont insignifiantes. Il est alors facile pour d'obscurs agents de l'université d'humilier les enseignants, d'insulter leur parcours sans nulle prévenance pour signifier dans un énorme déficit de culture que dans l'Algérie d'aujourd'hui un professeur d'université ou un maître de conférences ne représentent rien, que l'on pourrait rabaisser dans un mouvement d'autorité surfaite, en toute impunité. La mesure particulière de refonder le protocole de l'Habilitation universitaire me paraît salutaire. Elle ôte aux recteurs incompétents le pouvoir indu de malmener des enseignants, de ternir leur honorabilité et celle de l'institution, d'interférer dans le travail des experts. Elle régule une transition intermédiaire dans la carrière de l'enseignant. Ce n'est pas une récompense. C'est une reconnaissance qui est produite par des pairs en toute indépendance et en toute loyauté pour les règles et pour le mérite de chaque candidat. L'intercession qui est dévolue aux recteurs et à leurs subordonnés est dommageable en droit, ruineuse moralement et dispendieuse en conflits actuels et à venir. *Professeur de psychologie clinique, psychologue clinicien, psychopathologue. Consultant pour l'enfance et de la famille. Directeur scientifique de la revue Champs. Membre de l'AIFREF, Bruxelles. Derniers ouvrages parus : «De l'épure au dessin. Génétique, clinique, psychopathologie», Médersa, 2017. «Adolescence algérienne. Liens et cliniques», L'Harmattan, 2016. |