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Cette dame au caractère bien trempé fait partie de ces icones que l'Algérie s'enorgueillit d'avoir enfantées un jour. Née à Alger un 2 avril de 1928, elle a brisé tous les tabous. D'abord celui des enfants nés de mariages mixtes, de militante communiste avec l'étiquette étriquée d'apostasie- «Je suis profondément croyante»- chose qu'elle affirme dans l'émission radiophonique «J'avoue que j'ai vécu» de Malika Lafer, celui de l'étudiante indigène qui ne pouvait prétendre qu'au concours d'externat et enfin celui du planning familial lancé à la fin des années 60, une fois la souveraineté nationale recouvrée. Le plafond de verre dira-t-elle, était pratiqué sans vergogne par l'école coloniale. C'est ainsi que sur 10 postes ouverts au concours d'externat, deux revenaient à des juifs, un aux autochtones et le reste aux tenants de la domination. Au lancement du premier centre de planification familiale sis à l'hôpital Mustapha, Mme Laliam née N'Fissa Hamoud en toucha un mot au défunt Boumediene qui donnait son accord. Et c'est à partir de ce moment que les choses se mirent en branle. La venue à la tête du département de la santé, des professeurs Tidjini Hadam et Omar Boudjella a permis d'en faire un programme de santé publique que Malika Ladjali dirigeait à partir de l'Institut national de santé publique (INSP). Y-a-t-il eu réticence de la part de la population ? «A notre grande surprise, la population qui fréquentait ces centres, y adhérait pleinement. L'avis religieux, était évidemment requis ; c'est ainsi que dans un premier temps, nous avions eu recours aux fatwas d'El Azhar et de la Zitouna. Le Prophète (QSSL), questionné par ses compagnons sur l'objet, recommandait le retrait quand la nécessité fait loi». Passant une partie de son enfance à Aumale (Sour El Ghozlane), elle évoque cette ville où son père officiait comme chef de service des «Autocars d'Afrique du Nord (ATAN), avec nostalgie. Les remparts sont toujours là, les gazelles, malheureusement, sont allées aux confins du Sud dira-t-elle. Questionnée sur le début de son activisme politique, elle rappelle que ce sont les étudiants et les étudiantes affiliés au MTLD, UDMA constituant le gros des troupes et ceux du PCA dans une moindre mesure, qui ont été à la base du militantisme estudiantin. Les filles se retrouvaient au cercle de la rue de la Lyre. Les étudiantes en médecine et les sages femmes à l'instar de Mamia Chentouf, étaient les plus actives dans l'acte subversif parceque, sans nul doute, plus politisées. En dépit des barrières levées devant les autochtones à leur émancipation, une poignée de battantes réussit à battre en brèche le mur de l'ostracisme. «En effet, la première Algérienne médecin a ouvert la voie à ses coreligionnaires, dès lors que dès 1944-1945 les premières étudiantes sont entrées dans le service de pédiatrie en entamant aussitôt leurs études médicales : Nafissa Hamoud (ministre de la Santé en 1991) et M. Beloucif (Mme Larbaoui). Dans les années 1950, elles sont rejointes par Janine Belkhodja, Louisa Aït Khaled (Mme Issaâd), Rosa Aït Kaci (Mme Aït Ouyahia), Baya Roumane (Mme Kerbouche) et Saïda Benhabylès (In Aldjia Benallègue-Noureddine 2007, Le Devoir d'espérance, Alger, éd. Casbah, 310 pages. p 81).». En sa qualité de membre du Parti communiste algérien (PCA), elle participe, en 1956, aux négociations avec le Front de libération nationale pour l'action commune. Dès lors, elle se démarque nettement et rejoint le FLN pour entrer dans la clandestinité. Elle sera arrêtée le 14 mars 1957 par les parachutistes coloniaux. Subissant la «question» dans la villa Susini de sinistre mémoire, elle s'en tire avec une condamnation de cinq ans de détention avec sursis. Quittant le pénitencier de Serkadji où elle était détenue, elle s'expatrie, en juin 1957, en France pour rejoindre la Tunisie plus tard. Affectée à l'hôpital Seddiki de Tunis, elle s'occupera des blessés de guerre et notamment ceux qui ont subi des réparations de fortune dans les maquis. Elle consacrera, une bonne partie de son activité aux femmes démobilisées pour lesquelles elle créa une maison d'accueil, en 1959, à Tunis. Elle ne se départira pas de cette propension féministe qui l'a toujours caractérisée tout au long de sa longue vie professionnelle puisque, en 2001, elle accueillera les femmes violentées de Hassi Messaoud, non plus par le fait colonial mais par les tenants du reniement des valeurs pour lesquelles, elle s'est toujours investie. A l'indépendance, alors que le pays est exsangue, vidé de toute substance matérielle, elle rejoint avec ses confrères et consœurs ce sanctuaire médical, jadis inexpugnable, qu'était l'hôpital Mustapha, et pour soigner et pour former de pleins cohortes d'étudiants dont certains deviendront plus tard, d'éminents cliniciens ou chercheurs. Cette carrière flamboyante d'universitaire ne l'empêchera pas d'être sur d'autres fronts comme le mouvement féminin de l'Union nationale des femmes algériennes (UNFA), l'Association algérienne de planification familiale (AAPF) et enfin le Conseil national économique et social (CNES). Elle participera pour le compte de ce dernier à la rédaction en compagnie de Pierre Chaulet du «Rapport national sur le développement humain». Chef de service au CHU Lamine Debaghine, elle aura été pour longtemps, celle qui aura donné vie à la Clinique gynéco-obstétricale «Durando» (Gharafa) de Bab El Oued. Invitée par Pr Malika Ladjali lors de la célébration de la Journée mondiale de la population, en 2012, à l'Institut national de santé publique (INSP), Pr Janine-Nadjia Belkhodja-Kessous a ému l'assistance, composée principalement de jeunes médecins et de sages femmes, par une intervention déroulant les étapes de la glorieuse épopée de la formation médicale et paramédicale, qu'elle et ses confrères ont menée à mains nues. La grande dame, après une vie bien remplie pleine de rêves, d'espérances et de combats tire sa révérence en ce 27 octobre 2013 à l'âge de 85 ans. A Dieu nous appartenons, à Lui nous reviendrons. Note de renvoi: www Guerre d'Algérie.com |