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Mais ce secteur (public marchand),
en dépit de ces avancées remarquables, demeure comme plombé, interdit d'action,
souffrant toujours des séquelles du bridage l'ayant accablé entre 1979 et 1998
et qui, à nos jours, produisent toujours leurs effets qui découragent les plus
fermes volontés; au niveau des conduites et comportements qui travestirent les
orientations des politiques officielles : au niveau de la mise en œuvre et au
niveau du suivi.
Telle la précipitation relevée en matière de privatisation du secteur public avant 2009, par rapport à sa nécessaire restructuration figurant, pourtant elle aussi, dans le programme électoral des présidentielles de 1999. Celui-ci ne se réalisa, en effet, qu'en 2016/2017/2018, dans son volet organique. Notamment par la création de « Groupes Publics » en remplacement des Sociétés de Gestion de Participations de l'Etat-SGP , à partir des 65 Entreprises Publique Economiques (EPE) non concernées, à l'origine, par la privatisation ; celle-ci fut, par conséquent, logiquement arrêtée, il y a sept ans. A fin juin 2017, quelques 447 moyennes Entreprises Publiques Economiques (EPE) avaient été privatisées sur les 896-882 moyennes EPE recensées et programmées à la privatisation entre 2003 et 2008. Seules 264 moyennes EPE constituaient, à fin juin 2017, le résiduel à traiter (5). La différence à été intégrée aux Groupes Publics récemment constitués dans le cadre de la restructuration de leurs portefeuilles respectifs. Cette voie devrait être poursuivie, à mon sens, pour restructurer ce résiduel (264) dans d'autres Groupes Publics homogènes, à créer ou, à défaut, pour être intégré aux Groupes Publics déjà constitués. Ces attendus auraient constitué une autre raison de poids dans le volet économique du message présidentiel du 24 février 2018, dans son volet »rôles des secteurs économiques public et privé». Cependant, le niveau d'autonomie des Groupes constitués, demeure une problématique complexe. Elle hypothèquera le niveau de leurs performances et ne manquerait pas de reproduire les mêmes handicaps. Ce qui requiert l'urgence d'une révision des prérogatives du Conseil de Participations de l'Etat (CPE) au profit du renforcement de celle des Groupes, en privilégiant son contrôle à postériori à celui du contrôle à priori, actuellement exercé par ce conseil sur ces Groupes. Quant aux points d'insatisfactions, elles sont liées : (a) au retard dans la réalisation du complément stratégique qui devait être apporté au tissu industriel public ; (b) au retard mis par les petites et moyennes entreprises privées qui devaient garantir la mise en place d'une base dense de sous-traitance à même de réaliser la diversification industrielle programmée en tant qu'objectif stratégique ; (c) au retard dans la cristallisation de prémisses crédibles d'un secteur privé prêt à relayer, au besoin, le secteur public marchand et capable de jouer les premiers rôles dans l'économie nationale. La fragilité structurelle du secteur privé et la faiblesse de son potentiel de croissance, ne le qualifient pas, à présent, pour tirer l'économie nationale, en dépit de la constante progression numérique des entreprises qui le constituent. Leur nombre est passé de moins de 300 000 petites et moyennes entreprises en 1999 à quelque 1 060 025 petites et moyennes entreprises privées (employant quelque 2 600 000 agents avec une moyenne de 2,46 agents par entreprise, dont presque la moitié est constituée des chefs de ces entreprises à fin juin 2017, tel que cela est indiqué sur le tableau suivant : Secteur Privé en Algérie à juin 2017(6) Type d'entreprises---------Emplois---------Nombre---------% TPE Privées--------- 1 à 9 salariés---------1 035 891---------97,70 Petites Entreprises Privées--------- 10 à 49 salariés---------21202---------2,00 Moyennes Entreprises Privées---------50 à 249 salariés---------3196---------0,30 Total des entreprises privées---------1 060--------- 025---------100 Par secteur d'activité, elles sont réparties comme suit: Structure des PME privées par secteur d'activité(6) Secteurs d'activité---------(%) des PME/secteur Agriculture---------0,60 Industrie---------8,75 Hydroc. Energie, mines et Sces liés---------0,27 BTPH---------16,77 Services y compris professions libérales---------50,62 Artisanat---------22,99 C'est une fragilité profonde, faible de potentialités productives de richesses, faible en capacités de création d'emplois, de réceptivité technologique et de capacités d'innovation, loin de pouvoir contribuer à l'induction d'une croissance auto-entretenue, ou d'ambitionner l'accès aux nouvelles technologies et, encore moins, de les reproduire, ou de s'insérer à une quelconque sous-traitance d'intégration industrielle. Il serait, selon cette suite logique, sans le moindre espoir, raisonnablement sérieux, de pénétrer massivement les marchés extérieurs. Handicapé, également, par un niveau excessif d'extraversion en matière d'importation d'inputs. Ceux-ci représentent quelque 90% dans beaucoup de biens produits en Algérie, de surcroit à faible utilité sociale. L'importation est, ainsi, drôlement servie au détriment de l'exportation, pourtant nettement consacrée, et dans le programme électoral de 1999 et dans le message du 24 février 2018. Le taux excessif de 97,7 %, en hausse, que représente la TPE (Très Petite Entreprise) dans le tissu des entreprises privées algériennes, aurait pu être atténué si ces TPE et autres PME privées, étaient liées, en rapports stables de sous-traitance, avec de grandes usines et grandes entreprises publiques ou privés algériennes ou entreprises étrangères, de préférence installées en Algérie. C'est, dans l'Union Européenne, un environnement économique relationnel sous-traitant, de loin bien meilleur et sans commune mesure avec celui dans lequel se meuvent les PME privées algériennes, qui fait la grande différence. Nos TPE sont, à vrai dire, des micro-entreprises, plutôt artisanales, de production très peu élaborée, rudimentaire dans sa majorité, de statut familial essentiellement, ne faisant pas, de ce fait, appel aux emprunts bancaires pour financer leurs affaires, par crainte de ne pas pouvoir les rembourser à leurs échéances, ou par croyance religieuse, d'apparence opposée aux taux d'intérêts qu'elles jugent usuraires, dans une certaine mesure. Elles font recours, par contre, aux avances non rémunérées, auprès de proches et d'amis. A cet effet, quelques 88,2% de ces entreprises (TPE), tous secteurs confondus, déclarent s'auto-financer, selon une étude économique réalisée par l'ONS. Les entreprises créées dans le cadre de l'Agence Nationale de Soutien à l'Emploi des Jeunes (ANSEJ) se contentent du premier prêt bancaire obtenu à leur création, dans la majorité des cas. Puisse l'ouverture du système financier et bancaire algérien sur la finance islamique consacrée dans la loi de finances de 2017, constituer la fin d'un alibi, longtemps mis en avant pour justifier l'insuffisance des investissements privés et l'expansion des affaires et des liquidités informelles. Ce sont, de plus en plus, enfin, dans leur majorité, des personnes physiques de petite taille, de caractère individuel, ce qui complique leur caractère familial et leur déconnexion du système bancaire. Une situation qui exige une urgente réaction en direction d'un encouragement au profit de ces entreprises et celles à venir, dans le cadre des dispositifs d'aide à l'emploi des jeunes et en dehors, dans le sens à pousser vers l'adoption du statut de sociétés par actions, en attente de la grande moisson espérée de l'application de la nouvelle loi sur la promotion des petites et moyennes entreprises. Ainsi que de pousser vers l'émergence d'un autre esprit entrepreneurial véridique divorçant avec l'aversion : au «small is beautiful» (7), au gain facile et rapide, au mercantilisme et à l'économie informelle, en s'engageant dans des investissements structurants ou, tout au moins, des investissements de sous-traitance décisive, contribuant à l'indépendance économique du pays. Autrement, l'indépendance économique véridique recherchée et la diversification poursuivie, risquent, par conséquent, de demeurer chimériques ! C'est l'esprit qui doit nous guider, tous, dans la juste compréhension du contenu du programme électoral de 1999 et celui du message du 24 février 2018, dans leurs volets consacrés à l'encouragement du secteur privé national. Quant aux entreprises privées de taille supérieure à 250 salariés chacune qui, elles, ne rentrent pas dans la typologie usuelle des PME (Charte de Bologne revue), elles n'excèdent pas la dizaine, filiales comprises (8). A faire remarquer la grande lenteur qui caractérise l'apparition d'entreprises privées de ce type (de plus de 250 salariés), tant algériennes qu'étrangères ou sous forme de partenariats entre privés algériens et privés étrangers. A l'instar de la grande usine du rond à béton d'Oran, les usines de ciment de M'Sila, de Mascara, de Biskra, d'Adrar, de quelques briqueteries et, notamment, les usines d'assemblage de véhicules, mises en exploitation et/ou en cours de montage à Ghilizane, Batna, Bouira, Tiaret, El-Beyad, Ain Témouchent et, incessamment, à Oran. Ainsi que les usines de textiles en cours de montage à Ghilizane et dont la majorité de la production est destinée à l'exportation, avec, en phase finale, 25 000 postes de travail. Les industries du médicament, des dispositifs médicaux, de la téléphonie intelligente, de l'électrodomestique, rapidement implantées, pourraient constituer des phares exemplaires si elles arrivaient à dépasser le simple montage et la simple revente de biens produits et empaquetés à l'étranger. C'est aussi, selon ma lecture, une autre raison du volet économique du message présidentiel du 24 février 2018, notamment en ce qui concerne les rôles des secteurs public et privé dans l'économie nationale. Ainsi, était planté le décor, la veille du 24 février 2018. Devant des considérants fort déconcertants. : un tissu industriel privé «sans envergure confortable», sans relations consistantes de sous-traitance, perdant l'une après l'autre, les relations que lui fournissait le secteur public marchand industriel (hors hydrocarbures) qui, lui-même, vit dans de nombreuses difficultés ou suspendu à une étape de lente relance et que le secteur privé n'arrive pas à relayer. Ce, en dépit du saut quantitatif que réalisa ce dernier comme ci-haut rapporté. Fort inquiet, le secteur public, espérait, dans une certaine opacité, pouvoir réaliser la totalité des projets qui lui avaient été tracés au début de la décennie 2000, particulièrement, les projets de privatisation, de restructuration et d'investissements stratégiques complémentaires. Le tout en partenariat avec le capital étranger ; le Partenariat Public Privé étant (PPP) étant encore au stade d'idées séduisantes car, pour réussir, un partenariat devrait réunir des parties performantes. Mais, selon mon appréciation, se tromperaient ceux qui peinent à vouloir se convaincre, eux-mêmes, que l'évolution spécifique qu'a apportée le message présidentiel du 24 février 2018, serait le fait d'une saute d'humeur ou d'une quelconque réaction passionnelle ou, encore, d'un emportement caractériel, à une maladresse que tel ou tel responsable exécutif aurait commise dans l'instruction de tel ou tel dossier. Les avertis en matière de sciences politiques et en matière de suivi des processus décisionnels décisifs, savent privilégier l'hypothèse d'un aboutissement logique auquel aurait conduit l'évaluation rigoureuse, ordinaire et périodique de la mise en œuvre des engagements pris dans le programme des élections présidentielles de 1999 ; notamment au niveau des performances des secteurs public et privé ; eu égard aux rôles respectifs conférés à l'un et l'autre des deux secteurs et aux objectifs qui leur avaient été fixés. Une lecture en profondeur n'exclut pas, toutefois, l'allusion subtile, faite dans ce message, à des jugements de valeur, exprimés de manière à peine voilée, mais qui transparaissent des fermes instructions présidentielles, telles celles ayant trait aux grands axes à définir à long terme et à la modernisation du tissu industriel que j'ai, ci-dessus, empruntées pour les besoins de l'analyse, et ce, en avertissement, aussi à peine voilé, à l'égard de ce qui aurait été un manquement dans la réalisation des objectifs tracés dans le programme électoral de 1999. Tout particulièrement, au moment où l'Algérie traverse une zone de fortes turbulences économiques, corrélativement avec l'effondrement des cours de pétrole. Sont allées de pair dans ce programme, restructuration et relance du secteur public économique « pour réaliser son potentiel d'adaptation technologique et de commerce extérieur » et encouragement de l'investissement privé et de la petite et moyenne entreprise (PME) pour notamment, « l'élargissement du tissu industriel, l'élargissement significatif de l'emploi, la mise en valeur des ressources faiblement sollicitées jusque-là telles que le tourisme, la pêche, etc., ainsi que la diversification des exportations» (9), avec, stratégiquement, la diversification économique comme toile de fond. En effet, la vision conceptuelle déclinée par le candidat Abdelaziz Bouteflika gagnant aux élections présidentielles de 1999, essentiellement, et que charrient, détaillés, les programmes de développement subséquents, constituait «ce programme référence» qui se voulait être une ligne de démarcation entre une longue période de profonde crise économico-financière, sociale, sécuritaire et d'extinction géopolitique de «l'image Algérie»et un avenir radieux dans son acception la plus large. L'évaluation implicite que porte le message présidentiel du 24 février 2018, est accompagnée d'une identification de points faibles devant être rattrapés comme l'évolution spécifique de la vision de 1999, quant aux rôles que devraient jouer les secteurs économiques public et privé dans le développement de l'économie nationale, avec réalisme et pragmatisme requis, évidemment. La projection des repères pour de plus larges horizons sur les ambitions que se partagent les Algériens, constitue, à n'en point douter, un indice sérieux sur la mise en place, avant terme, du cadre basique pour la concrétisation, demain, de ces espoirs dans une visibilité suffisante. Il s'agirait, en fait, d'engagements politiques pour un avenir prévisible. *Economiste, ancien ministre. Notes 5- Partenariat et Privatisation. Ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements. 6- Ministère de l'Industrie et des Mines. Bulletin d'informations statistiques. n°31/2017. 7-E.F. Scumacher. Contretemps/Le Seuil. 1978. Thèse favorable à une économie vivrière de subsistance recommandée aux PVD. 8- www.mdipi.gov.dz: Ministère de l'Industrie est des Mines. 9- Programme du candidat Abdelaziz Bouteflika, gagnant aux élections présidentielles de 1999. P.49 |
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