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Dans
sa deuxième semaine de confinement partiel, la capitale ne ressemble pas
beaucoup à ce qu'elle était au début des premiers jours. «Les gens ont vu leurs
problèmes s'accumuler, ils sont sortis pour en régler ce qu'ils peuvent», nous
renseigne un groupe de jeunes.
Les banques, premières institutions à avoir plus de monde qui attend à leurs portes contrairement à la première semaine de confinement partiel où elles étaient pratiquement vides. « Ils veulent payer leurs crédits pour ne pas avoir à payer les pénalités de retard », nous expliquent ces jeunes qui n'étaient pas loin d'une succursale d'une banque étrangère devant laquelle les gens faisaient la queue. En principe, ce genre d'opérations peut attendre jusqu'à ce que le confinement prenne fin, avions-nous dit. « Faux ! Ils doivent rembourser selon les modalités qui leur ont été prescrites, sinon, ils ne vont pas s'en sortir », soutiennent-ils. Nos interlocuteurs partagent notre avis qu'il y a dans Alger bien plus de monde que durant la première semaine du confinement partiel. Certes, il y a moins de monde qu'en temps normal mais beaucoup pour un temps de confinement sanitaire. Et bien plus de voitures qui descendent la rue Didouche Mourad ou remontent le boulevard Mohamed V. Par contre, il y a moins de camions de police antiémeutes. Deux sont stationnés au niveau du palais du peuple et un seul au niveau de la place Audin. Les bancs qui ont été repeints du noir vers le blanc donnent à la place plus d'éclat. Un sans-abri s'est étalé sur l'un d'eux pour piquer un somme et se réchauffer au soleil. Les commerces sont fermés à l'exception des pharmacies, boulangeries, marchés couverts, épiceries, bureaux de poste, banques, assurances et autres institutions publiques soumises au «service minimum» pour raison de confinement sanitaire. Les buralistes sont aussi ouverts mais ne sont plus servis en journaux par manque de distributeurs. Bien qu'ils aient réduit leur pagination à 16 pages, les journaux ne sont toujours pas vendus dans la capitale. Les marchés couverts du centre d'Alger ont plus de monde. Les acheteurs ne respectent même plus la distance exigée entre eux pour éviter toute contamination. Les vendeurs ne la leur imposent pas. Ces derniers mettent des gants, pour certains, mais manipulent tout avec, marchandises couvertes ou pas, pain, fruits, argent... Les Algériens se plaisent à se bousculer «On oublie vite», nous dit un vieux couple qui sortait du marché les mains portant sacs de plastique remplis de fruits et légumes, un de pain et un autre de produits laitiers. Leur profond soupir en disait long sur leurs mauvais souvenirs durant les années 90... Ils en ont glissé quelques mots avant de reprendre sereinement leurs pas. L'oubli sert parfois à avancer et à continuer de vivre mais il ramène forcément à de sacrées habitudes, parmi elles, celles qui font que les Algériens, en particulier les femmes, se plaisent à discuter lorsqu'elles font leurs courses et aussi à se rapprocher les unes des autres même si les espaces ne sont pas réduits. Le naturel revient ainsi vite au galop après à peine une semaine de semi-confinement algérois. Les magasins de téléphonie mobile ont eux aussi leur clientèle qui continue d'affluer comme en temps normal. Sauf que leurs responsables obligent leurs usagers à rester en dehors du magasin jusqu'à ce que leur tour d'être servis arrive. Toutes les pharmacies de la place d'Alger appliquent ces consignes. « Votre bien-être est notre priorité. Pour cela votre boutique est fermée », lit-on sur la devanture d'un magasin de capsules de café en même temps qu'un numéro de téléphone «pour toutes informations ou commandes». De nombreux édifices sont lavés à grands jets d'eau mélangée à des produits désinfectants. Une occasion rêvée pour que la capitale se nettoie ses façades noircies par la poussière et ses vitres qui ont perdu de leur éclat depuis bien longtemps. Contrairement à la première semaine de confinement où elles paraissaient plus sales -parce que devenues quasi silencieuses- que ce qu'elles en sont depuis toujours, les rues algéroises ont retrouvé un peu de tenue et sont pour certaines bordées de trottoirs bien propres. Comme les fastfoods et les cafés sont fermés et qu'il y a moins de passants que d'habitude, il y a donc moins de sacs ou papiers pour les sandwiches qui sont jetés, moins de gobelets vides par terre... Ceci, même si un spot télévisuel de prévention contre la propagation du coronavirus conseille aux gens de se moucher avec un mouchoir et de « le jeter immédiatement » sans préciser où. «Restez chez vous ! Prosternez-vous devant Dieu !» C'est l'heure de la prière. «Faites la prière chez vous» répète toujours le muezzin. L'imam d'une mosquée du centre d'Alger a fait un prêche que les haut-parleurs du minaret ont diffusé jusqu'aux alentours du quartier. L'imam vantait les mérites du confinement sanitaire et des mesures de prévention contre la contamination par le COVID-19. Il a aussi beaucoup prié pour que «Dieu éloigne de nous ce fléau». Il appelle les fidèles à qui il demande de rester chez eux «de faire preuve de patience comme Dieu et Son Prophète Mohamed (Sala Allah Aalih Oua Salam) nous le recommandent». L'imam insiste, «restez chez vous ! Prosternez-vous devant Dieu(...)». Au détour d'un hôpital, un professeur de médecine nous a fait part de ses inquiétudes au sujet de la propagation du nouveau virus. « Il faut que les gens comprennent qu'il faut qu'ils restent chez eux, c'est absolument le seul moyen pour éviter la contagion, il n'y a encore ni remède ni vaccin, il ne faut pas qu'ils s'entêtent à sortir de chez eux, le risque est trop élevé ». Pour ce professeur chef de service, «l'Algérie atteindra son pic durant la première dizaine du mois d'avril, prions pour qu'on n'atteigne pas les 100 décès par jour, regardez le reste du monde, ce n'est que ces jours-ci que les Etats-Unis sont devenus l'épicentre de la contagion par ce virus, avant c'était l'Italie(...)». Il déplore le fait que « même des médecins pensent que le virus est tué par la chaleur, ils se mettent dans leur voiture et mettent le chauffage à fond, ce n'est pas vrai, le virus résiste même à la chaleur, on a des cas en Afrique où il fait chaud». Il nous explique que le pic des décès et de contamination, «s'ils montent en avril et redescendent en principe en juin ce n'est pas en raison des températures qui augmentent mais c'est parce que c'est le cycle normal de résistance d'un virus, ce sera la période de son extinction, à la seule condition que la prévention contre se fasse comme il se doit». Il nous renseigne sur le recours à la chloroquine dont tout le monde vante aujourd'hui les mérites. «Les essais cliniques ne sont pas tout à fait au point, mais il est sûr que le produit diminue la charge virale et en l'administrant, on peut éviter aux sujets atteints la détresse respiratoire(...) ». A quoi sert une carte de presse ? Notre spécialiste fera remarquer qu' «il y a une diminution drastique des consommables de par le monde, il ne faut pas trop compter sur l'importation par l'Algérie de masques et de gants, les pays les gardent pour eux parce qu'ils ne savent pas encore comment ça va évoluer». Il encouragera par contre «les couturières qui ont commencé à fabriquer les masques, à continuer de le faire, c'est une excellente décision». Il se rappelle, dit-il, qu'« il y a vingt ou trente ans, on en portait en tissu, cousus, c'est d'ailleurs plus hygiénique et plus économique, on les portait pour bien plus que deux heures, on ne les jetait pas, les lingeries des hôpitaux les lavaient, ensuite on les remettait sans problème». Les responsables administratifs des hôpitaux n'aiment pas que les médecins discutent avec des journalistes. Pour eux, «l'ordre de mission ne veut rien dire, il faut une autorisation». De qui ? Pas de réponse. On nous rappelle juste que le communiqué du ministère de la Communication l'exige pour les représentants de la presse. « Pour ceux qui travaillent la nuit », avions-nous précisé. Appelés pourtant à répercuter tout ce qui se fait dans le cadre de la prévention contre la propagation du COVID-19 et pour la prise en charge des malades, les journalistes peinent à travailler au niveau des institutions et des différents services publics. Excepté bien sûr celles des caméras qui sont autorisées à se balader un peu partout et à se braquer sur des «spécialistes» à qui il a été permis d'être filmés... L'on s'interroge d'ailleurs sur l'utilité d'une carte de presse quand les autorités qui sont censées la prendre en considération exigent une sorte de laissez-passer. «Le ministère aurait dû se contenter d'exiger qu'on ait simplement sur nous notre carte de presse, le corps médical ne présente que sa carte professionnelle, pourquoi pas les journalistes qui sont sur le terrain pour médiatiser ce qui est entrepris par tous ceux qui luttent contre cette épidémie», interrogent des journalistes en regrettant ce genre de mesure inappropriée pour une corporation qui a à sa charge la mission de service public. |
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